L’essor du monde musulman (VIIᵉ–XIIIᵉ siècles) : une civilisation rayonnante entre foi, science et échange

Débat imaginaire entre Averroès et Porphyre
(tiré du Liber de herbis de Monfredo de Monte Imperiali - XIVe siècle)

Au VIIᵉ siècle, une nouvelle religion émerge dans le désert arabique : l’islam. Portée par le prophète Mahomet, cette foi monothéiste s’étend en moins d’un siècle de l’Atlantique aux portes de l’Inde, unifiant des peuples divers sous une même langue, l’arabe, et une même culture. Entre conquêtes, innovations scientifiques et échanges culturels, le monde musulman devient, pendant six siècles, un phare de savoir et de tolérance. Retour sur une époque où Bagdad, Cordoue et Le Caire rivalisaient avec les plus grandes cités du monde.

La naissance d’un empire

Tout commence en 610, lorsque Mahomet, un marchand de La Mecque, reçoit selon la tradition les premières révélations du Coran. En 622, il fuit vers Médine : c’est l’Hégire, date marquant le début du calendrier musulman. À sa mort en 632, la péninsule Arabique est presque entièrement unifiée sous la bannière de l’islam. Ses successeurs, les califes, lancent alors une série de conquêtes fulgurantes : la Syrie, la Palestine, l’Égypte, puis la Perse et une partie de l’Inde tombent sous leur contrôle. En 711, les armées musulmanes franchissent même le détroit de Gibraltar et s’installent en Espagne.

Contrairement aux idées reçues, ces conquêtes ne s’accompagnent pas toujours de conversions forcées. Les populations locales — chrétiens, juifs ou zoroastriens — conservent souvent leur foi, moyennant le paiement d’un impôt. L’arabe, langue du Coran, s’impose progressivement comme langue administrative et culturelle, facilitant les échanges dans un empire où cohabitent Arabes, Perses, Berbères et Turc

Un âge d’or culturel et scientifique

À partir du VIIIᵉ siècle, le monde musulman entre dans une période de prospérité intellectuelle sans précédent. Les califes abbassides, installés à Bagdad dès 750, fondent la Maison de la Sagesse, une bibliothèque et un centre de traduction où sont préservés et étudiés les textes grecs, persans et indiens. Les savants musulmans, comme le mathématicien Al-Khwarizmi (qui donne son nom à l’algèbre) ou le médecin Avicenne (auteur du Canon de la médecine), repoussent les frontières du savoir.

Les innovations se multiplient : papier fabriqué à partir de chiffons (remplaçant le parchemin coûteux), techniques d’irrigation, avancées en astronomie et en médecine. Les villes comme Cordoue, en Espagne, deviennent des modèles d’urbanisme, avec leurs bibliothèques, leurs bains publics et leurs rues éclairées la nuit.

Une société en mouvement

Le monde musulman médiéval est aussi une société dynamique, où le commerce joue un rôle clé. Les routes caravanières, comme la célèbre Route de la Soie, relient l’Occident à l’Orient, tandis que les marchands musulmans dominent le commerce en Méditerranée. Les monnaies, comme le dinar d’or, circulent de l’Afrique subsaharienne à l’Asie centrale.

Sur le plan social, l’islam encadre la vie quotidienne, mais les pratiques varient selon les régions. Les femmes, bien que soumises à des règles strictes, accèdent parfois à l’éducation et jouent un rôle économique, notamment dans le commerce. Les villes, comme Le Caire ou Damas, sont des creusets où se mêlent artisans, poètes et mystiques soufis.

Entre le VIIᵉ et le XIIIᵉ siècle, le monde musulman incarne une civilisation où foi et raison coexistent, où les savoirs voyagent et où les cultures se rencontrent. Pourtant, à partir du XIIIᵉ siècle, les invasions mongoles et la montée en puissance de l’Europe chrétienne affaiblissent cet empire. Malgré cela, son héritage perdure : des mots arabes dans nos langues (sucre, algèbre, sirop) aux fondements de la science moderne, en passant par l’architecture des mosquées d’Espagne.

Aujourd’hui, alors que les débats sur l’islam et son histoire alimentent les tensions, se replonger dans cette époque rappelle une vérité souvent oubliée : l’islam médiéval fut aussi une civilisation de lumière, de curiosité et de dialogue.