Affirmation et mise en œuvre du projet européen
Née des ruines de la Seconde Guerre mondiale, la construction européenne est l’un des projets politiques les plus ambitieux du XXᵉ siècle. Pensée d’abord comme un rempart contre la guerre, elle s’est progressivement transformée en une union économique, politique et citoyenne inédite. Retour sur les origines, les grandes étapes et les enjeux contemporains du projet européen
1945 : plus jamais ça
En 1945, l’Europe est exsangue. Deux guerres mondiales en moins de trente ans ont ravagé le continent, décimé des populations entières et discrédité les nationalismes agressifs. Une conviction s’impose alors chez de nombreux responsables politiques : si les États européens continuent à agir seuls, la guerre reviendra.
Dans un monde désormais dominé par deux superpuissances, les États-Unis et l’URSS, l’Europe occidentale apparaît fragile. La guerre froide s’installe, divisant le continent en deux blocs idéologiques. Pour les pays d’Europe de l’Ouest, coopérer devient à la fois une nécessité économique, une garantie de sécurité et un choix politique en faveur des démocraties libérales.
La méthode Schuman : unir pour pacifier
Le 9 mai 1950, le ministre français des Affaires étrangères Robert Schuman prononce une déclaration restée célèbre. Il propose de placer la production de charbon et d’acier de la France et de l’Allemagne sous une autorité commune. L’objectif est clair : rendre la guerre « non seulement impensable, mais matériellement impossible ».
Cette initiative débouche, en 1951, sur la création de la CECA (Communauté européenne du charbon et de l’acier), réunissant six pays : la France, l’Allemagne de l’Ouest, l’Italie, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg. Pour la première fois, des États acceptent de partager une part de leur souveraineté. C’est une petite révolution.
Signature du traité de Paris instaurant la CECA, le 18 avril 1951. De gauche à droite : Paul Van Zeeland, Joseph Bech, Carlo Sforza, Robert Schuman, Konrad Adenauer, Dirk Uipko Stikker. (Crédits : European Communities),
Des communautés économiques à l’Union européenne
Le succès de la CECA encourage les Six à aller plus loin. En 1957, les traités de Rome fondent la CEE (Communauté économique européenne). L’ambition est désormais économique : créer un marché commun, faciliter la libre circulation des marchandises, des capitaux et des travailleurs.
Au fil des décennies, la construction européenne s’approfondit et s’élargit. De nouveaux États rejoignent la communauté, notamment après la fin des dictatures en Europe du Sud (Espagne, Portugal, Grèce), puis après l’effondrement du bloc soviétique. L’Europe devient aussi un espace de stabilisation démocratique.
Un tournant majeur intervient en 1992 avec le traité de Maastricht, qui fonde officiellement l’Union européenne. Celle-ci ne se limite plus à l’économie : elle introduit une citoyenneté européenne, renforce les politiques communes et prépare la création de l’euro.
Paix, prospérité, démocratie : les objectifs du projet européen
Depuis ses origines, le projet européen poursuit plusieurs objectifs fondamentaux :
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Garantir la paix entre des États longtemps rivaux ;
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Favoriser la coopération économique pour assurer la reconstruction puis la croissance ;
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Ancrer les démocraties et l’État de droit ;
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Réduire les inégalités de développement entre les régions européennes.
Sur le plan historique, le bilan est remarquable : jamais les États membres ne se sont fait la guerre depuis plus de soixante-dix ans. L’Union européenne est aussi devenue l’un des pôles économiques majeurs de la planète.
Une Europe confrontée aux crises du monde contemporain
Cependant, l’Union européenne n’évolue pas hors du monde. Depuis la fin de la guerre froide, elle doit faire face à de nouveaux défis : mondialisation, crises économiques, tensions géopolitiques, migrations, guerre en Ukraine ou encore transition écologique.
Ces épreuves mettent en lumière les limites de l’intégration européenne : lenteur des décisions, divergences entre États membres, montée des euroscepticismes. Mais elles rappellent aussi l’importance de la coopération face à des problèmes qui dépassent largement les frontières nationales.
La construction européenne n’est ni un long fleuve tranquille, ni un projet figé. Elle est le produit de compromis, de crises et de relances successives. Née de la volonté de paix après 1945, elle reste aujourd’hui un laboratoire politique unique, fondé sur le dialogue plutôt que sur la force.
À l’heure où les équilibres mondiaux se recomposent et où les conflits ressurgissent aux portes de l’Europe, une question demeure : l’Union européenne saura-t-elle renforcer son unité et son rôle sur la scène internationale, sans renoncer à ses valeurs fondatrices ? L’histoire, encore en train de s’écrire, apportera sa réponse.
L’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait.
Robert Schuman,
Déclaration du 9 mai 1950
Résumé audio
En préparation.
Histoire de la construction européenne depuis 1945
Un excellent livre deLaurent Warlouzet, clair et synthétique, qui retrace, étape par étape, l’histoire de l’intégration européenne depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Europe contre Europe — Laurent Warlouzet
Essai qui analyse les tensions internes du projet européen (liberté, solidarité, puissance) et aide à comprendre certains débats contemporains.
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