Carrefour des civilisations et capitale oubliée du savoir, Taxila fut pendant plus d’un millénaire un haut lieu du bouddhisme, de l’art gréco-indien et du commerce sur la Route de la Soie.
Il est des cités dont le nom résonne comme un écho lointain, presque effacé par le temps, et qui pourtant furent, pendant des siècles, au cœur de l’histoire mondiale. C'est le cas de Taxila, située à la jonction des grandes routes commerciales reliant l’Asie centrale, l’Inde et le Proche-Orient, elle fut tour à tour une capitale savante, un centre religieux, et une escale marchande majeure de ce qui allait devenir la Route de la Soie. Elle n'est plus aujourd'hui qu'un site archéologique dans la province du Pendjab au Pakistan.

Les principales routes commerciales en Asie, au 1er siècle de notre ère
(TwoOneTwo, CC BY-SA 3.0)
Aux portes de l’Inde
À une trentaine de kilomètres d’Islamabad, Taxila se dressait sur une colline fertile, au croisement de trois grands axes : vers l’ouest, la route franchissait les vallées jusqu’à Kaboul, puis s’ouvrait sur l’Iran et la Mésopotamie ; vers l’est, elle menait aux plaines du Gange ; vers le sud, elle suivait la vallée de l’Indus jusqu’à la mer d’Arabie.
Cette position privilégiée faisait de Taxila une porte d’entrée vers l’Inde, mais aussi un carrefour cosmopolite. Marchands d’Asie centrale, moines bouddhistes, administrateurs perses, soldats grecs ou encore pèlerins chinois y croisaient leurs destins.
Les empires se succèdent
Taxila changea souvent de maîtres. Dès le VIe siècle avant notre ère, elle fut intégrée à l’Empire achéménide, avant d’accueillir Alexandre le Grand en 326 av. J.-C. La cité s’ouvrit ensuite aux influences indo-grecques, puis connut son âge d’or sous l’Empire maurya, lorsque l’empereur Ashoka, fervent défenseur du bouddhisme, en fit un centre religieux et intellectuel de premier plan.
Sous les Kouchans (Ier–IIIe siècle de notre ère), Taxila devint un foyer majeur de l’art gréco-bouddhique du Gandhara. Dans ses ateliers, des artisans représentaient le Bouddha avec des traits hérités de l’esthétique grecque : toges drapées, visages idéalisés, postures sculpturales.

Sculpture en stuc de Bouddha et restes de pieds de l'un des plus grands Bouddhas en stuc de Taxila,
stupa de Dharmarajika - Muhammad Zahir, (CC BY-SA 3.0 )
Une capitale du savoir
Mais Taxila n’était pas qu’un carrefour de routes et d’empires. Elle fut aussi une capitale intellectuelle, comparée parfois à Athènes ou Alexandrie. Des récits indiens et grecs évoquent une « université » où l’on enseignait grammaire, philosophie, astronomie, médecine ou sciences politiques.
Des figures majeures y sont associées : le grammairien Panini, dont l’analyse du sanskrit reste un monument de linguistique ; Kautilya, conseiller de Chandragupta Maurya et auteur de l’Arthashastra, l’un des plus anciens traités de stratégie et de gouvernement ; ou encore Charaka, médecin dont les écrits influencèrent la médecine indienne pendant des siècles.

Pièce de monnaie Taxila vers 170 av. J.-C
(Classical Numismatic Group, Inc. CC BY-SA 3.0)
Déclin et oubli
À partir du Ve siècle, les invasions des Huns Hephtalites ravagèrent la région. Taxila fut pillée, puis peu à peu abandonnée. Elle disparut des mémoires, éclipsée par d’autres centres urbains.
Il fallut attendre le XIXe siècle et les premières fouilles archéologiques menées sous la domination britannique pour que la cité ressorte de l’ombre. Les stupas bouddhiques, les monastères, les sculptures gréco-bouddhiques redécouverts alors témoignent de sa splendeur passée.
Aujourd’hui inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO, Taxila reste un lieu de mémoire et un rappel saisissant de la manière dont les routes commerciales ont façonné, bien avant la mondialisation moderne, un monde d’échanges et de métissages.

Image Google Earth des ruines de Sirkap (un des site archéologique de Taxila)
(enregistrée par Muhammad Bin Naveed, CC BY-SA 4.0)
Une cité-monde oubliée
Taxila ne fut pas seulement une ville de l’Inde ancienne. Elle fut un nœud du monde, où se mêlèrent traditions indiennes, influences perses, culture grecque et spiritualité bouddhiste. Comme Samarcande, Palmyre ou Alexandrie, elle illustre ces cités de passage qui, en connectant les civilisations, ont porté l’histoire bien au-delà de leurs frontières.
Aujourd’hui encore, en parcourant les ruines silencieuses de ses stupas et de ses ateliers, le visiteur peut imaginer l’effervescence d’une ville où l’on entendait, dans une même rue, le grec, le sanskrit, le persan et les langues d’Asie centrale – une véritable Babel sur la Route de la Soie.

Taxila est une grande et riche cité, ouverte aux étrangers, où règne une culture brillante et des mœurs hospitalières
Strabon,
géographe grec (Ier siècle av. J.-C.)
Découvrez des mondes inconnus de sociétés insoupçonnées et de religions disparues, dans une région qui a été au coeur du monde.
Les échanges de biens matériels, de savoirs et de pensées au travers ces routes de la soie eurent des conséquences durables pour l'humanité toute entière.

Stupa (tumus funéraire boudhiste) de Dharmarajika site archéologique de Taxila
(Mhtoori, CC BY-SA 4.0

Buste de Bouddha provenant de Taxila,
(Mark Cartwright,CC BY-SA 4.0)
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