Laveurs de Chiens

Laveurs de chiens sur les quais de Seine  vers 1905 (Louis Vert, Musée Carnavalet, CC0)

À partir du milieu du XIXe siècle, l’urbanisation croissante et l’émergence d’une classe moyenne aisée ont favorisé l’adoption d’animaux de compagnie, notamment les chiens. Mais entretenir un chien en ville n’était pas une mince affaire : les bains domestiques étaient rares, et les propriétaires, souvent peu équipés, faisaient appel à des spécialistes pour laver leurs compagnons à quatre pattes.

Les laveurs de chiens, reconnaissables à leur attirail — baquets, brosses, savon noir et parfois même des bains portatifs en bois — s’installaient près des points d’eau : fontaines publiques, bords de Seine ou de canaux. Leur clientèle ? Des bourgeois soucieux d’hygiène, mais aussi des artisans ou commerçants dont les chiens de garde devaient rester présentables.

Le rituel du lavage : entre technique et théâtre

Laver un chien n’était pas qu’une question d’eau et de savon. Les laveurs devaient maîtriser l’art de calmer l’animal, souvent réticent à se faire tremper. Certains utilisaient des techniques de massage pour détendre le chien, d’autres des friandises ou des jouets pour le distraire. Le lavage lui-même était un spectacle : le chien, attaché par une longe, était savonné avec vigueur, rincé à grande eau, puis séché à l’aide de grandes serviettes de toile.

Les laveurs les plus habiles proposaient même des services supplémentaires : coupe de griffes, brossage des poils, et parfois des parfums pour masquer les odeurs tenaces. Certains allaient jusqu’à teindre les poils des chiens de riches héritières, pour les assortir à leurs robes !

Le déclin du métier

Avec l’arrivée de l’eau courante dans les foyers, puis l’invention des shampoings spécifiques pour animaux au XXe siècle, le métier de laveur de chiens a progressivement décliné. Les animaleries et les toiletteurs modernes, équipés de salles de bain dédiées et de produits spécialisés, ont rendu obsolètes ces artisans de l’hygiène canine.

Pourtant, leur héritage persiste dans les expressions populaires (« être lavé comme un chien de luxe ») et dans les archives photographiques, où l’on voit encore ces hommes, souvent souriants, penchés sur un caniche ou un terrier, brosse à la main.

Les petits métiers disparus comme celui de laveur de chiens nous rappellent une époque où chaque besoin du quotidien créait un emploi, une expertise, une relation humaine. Ils témoignent d’une société où le lien entre les hommes et les animaux était déjà fort, bien avant l’ère des animaleries et des salons de toilettage.

Aujourd’hui, alors que le bien-être animal est au cœur des préoccupations, il est amusant de penser que nos ancêtres, avec leurs baquets et leur savon noir, étaient déjà des pionniers du soin apporté à nos compagnons à poils.