Sainte Nitouche apparait pour la première fois au XVIe siècle dans Gargantua, le roman écrit par Alcofribas Nasier alias François Rabelais. Elle deviendra l'image de la fausse innocence.


Une sainte, selon les préceptes de la bible, se doit d’avoir respecté son vœu de chasteté avant le mariage. Donc en terme populaire : "on n'y touche pas". Ce que Rabelais reprend, au XVIe siècle, dans son ouvrage Gargantua dans le dialogue de la scène où frère Jean pulvérise les envahisseurs de son clos. L'auteur y écrit: "Les uns cryoient : Saincte Barbe! Les autres: Sainct Georges! Les autres: Saincte Nytouche!" (*).


Sainte Nitouche était née et l’expression devint populaire pour désigner une femme, qui joue l’innocente et se fait passer pour prude et chaste, en se donnant une apparence qui inspire la sagesse. Plus largement l’expression s’utilise aussi pour parler des personnes qui tentent de cacher leurs défauts, en adoptant un air innocent et faisant preuve d’hypocrisie.

Rabelais, en humaniste railleur et maître du double sens, se plaît à détourner les symboles religieux pour en faire des miroirs de la société de son temps. Dans Gargantua, lorsqu’il évoque « Sainte Nitouche », il ne s’agit évidemment pas d’un véritable personnage du culte, mais d’une invention moqueuse : une fausse sainte née de la verve populaire. Cette figure, citée dans la fameuse scène où frère Jean défend son clos de vigne avec une vigueur toute profane, surgit dans un moment de chaos burlesque où les soldats, effrayés, invoquent à la fois des saints reconnus et cette improbable « Sainte Nitouche ». Rabelais joue ici sur le contraste entre le sacré et le grotesque, la ferveur et la dérision.

En forgeant ce nom, il cristallise une attitude humaine bien connue : celle de la fausse prude, de la personne qui se donne une apparence de pureté pour mieux masquer ses désirs ou ses faiblesses. Derrière la « sainte », il y a l’hypocrite ; derrière la vertu affichée, le calcul social. Dès lors, « faire la sainte Nitouche » devient une expression proverbiale pour désigner celles et ceux qui affectent la modestie, la pudeur ou la droiture, tout en cachant un tempérament beaucoup plus libre – ou intéressé – qu’ils ne veulent le montrer.

 

(*) Rabelais, Gargantua, chapitre 27, 1534 : "Comment un moine de Seuillé sauva le clos de l'abbaye du sac des ennemis" - Rabelais, Gargantua, chapitre 27, 1534 (voir traduction de l'extrait en français moderne)

 

La fausse vierge est l'enceinte nitouche.

Anne de Bartillat


L'intégrale de  Rabelais

Ce volume réunit l’intégralité de l’œuvre connue de François Rabelais dans une édition moderne et annotée, à la fois rigoureuse et accessible. On y trouve les cinq grands livres des aventures de Gargantua et Pantagruel, accompagnés d’une Pantagruéline Prognostication, traduits en français contemporain et présentés dans l’ordre chronologique.

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Cinq siècles après leur création, Gargantua et Pantagruel demeurent d’une étonnante modernité. Par leur humour, leur liberté et leur langue inventive, les géants de Rabelais continuent de célébrer le savoir, le doute et la joie de vivre.
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Mam’zelle Nitouche : vaudeville-opérette présentée au Théâtre des Variété à Paris en 1883