Belgique : une histoire au carrefour de l’Europe

Publié le 30 décembre 2025 à 06:44

La Belgique est souvent décrite comme un jeune État à l’identité complexe, parfois incertaine, coincée entre de grandes puissances et traversée par des lignes de fracture linguistiques et culturelles. Pourtant, derrière cette apparente fragilité se cache une histoire dense, ancienne et profondément européenne. Des tribus celtes décrites par César à l’État fédéral contemporain, l’histoire des Belges est celle d’un territoire-carrefour, façonné par les échanges, les dominations, les résistances et les compromis.


Grand Place de Bruxelles
(Petit Bleu Photos, CC BY-SA 3.0)

Les premiers Belges : une invention romaine ?

Le mot « Belges » apparaît pour la première fois sous la plume de Jules César. Dans La Guerre des Gaules, il décrit les Belgae comme les plus courageux des peuples gaulois, vivant au nord de la Gaule, entre la Seine, le Rhin et la mer du Nord. En réalité, ces populations sont un mélange de tribus celtiques et germaniques, aux identités fluides, dont l’unité est davantage une construction romaine qu’une réalité politique.

La conquête romaine intègre la région à l’Empire. Les villes se développent (Tongres, Tournai, Bavay), les routes structurent l’espace, le latin s’impose progressivement au sud tandis que des parlers germaniques se maintiennent au nord. Déjà se dessine une ligne culturelle durable, sans qu’elle n’ait encore de signification politique.

Du monde romain aux principautés médiévales

Après la chute de l’Empire romain, le territoire est intégré au royaume franc. Clovis, puis Charlemagne, dont le cœur de l’empire se situe non loin, inscrivent durablement la région dans l’histoire de l’Europe médiévale. Mais à partir du IXᵉ siècle, le morcellement féodal domine.

Comtés, duchés et principautés ecclésiastiques se multiplient : Flandre, Brabant, Hainaut, Namur, Liège… Ces entités ne forment pas un ensemble unifié, mais partagent une prospérité exceptionnelle. Les villes flamandes – Bruges, Gand, Ypres – deviennent des centres majeurs du commerce européen, grâce au textile et aux échanges avec l’Angleterre et la Baltique.

Cette richesse urbaine favorise une culture politique originale : chartes communales, assemblées locales, négociations permanentes entre princes et villes. Bien avant l’époque moderne, le compromis et la gestion collective du pouvoir sont déjà des réalités.

Les Pays-Bas bourguignons et espagnols : une unité fragile

Aux XIVᵉ et XVᵉ siècles, les ducs de Bourgogne réunissent progressivement la plupart des principautés des anciens Pays-Bas. Pour la première fois, le territoire correspondant à peu près à la Belgique actuelle est intégré dans un ensemble politique cohérent, prospère et cosmopolite.

Mais cette unité reste fragile. Sous la domination espagnole au XVIᵉ siècle, les tensions religieuses et politiques éclatent. La Réforme protestante gagne du terrain, tandis que la monarchie catholique espagnole impose une répression sévère. Les provinces du nord se révoltent et fondent les Provinces-Unies (les futurs Pays-Bas), tandis que les provinces du sud, correspondant à la Belgique actuelle, restent sous domination espagnole puis autrichienne.

Cette séparation est déterminante : elle scelle des trajectoires politiques, religieuses et culturelles distinctes, tout en maintenant une forte interdépendance économique.

Bonaparte et Joséphine visitant Anvers en 1803.
(tableau de Mathieu-Ignace Van Brée)

Révolutions, occupations et naissance d’un État

À la fin du XVIIIᵉ siècle, la région est bouleversée par la Révolution française. Annexée à la France, elle découvre l’abolition des privilèges, le Code civil, la centralisation administrative. Mais la domination française suscite aussi résistances et désillusions.

Après la chute de Napoléon, le Congrès de Vienne (1815) rattache la région au Royaume des Pays-Bas, dans l’espoir de créer un État tampon face à la France. L’expérience tourne court. Différences religieuses (catholiques contre protestants), linguistiques, économiques et politiques alimentent le mécontentement.

En 1830, une insurrection éclate à Bruxelles. En quelques mois, la Belgique devient un État indépendant, doté d’une monarchie constitutionnelle et d’une des constitutions les plus libérales d’Europe. La Belgique naît moins d’un nationalisme ancien que d’un équilibre diplomatique européen et d’un compromis interne.

Épisode des Journées de Septembre 1830 sur la place de l'Hôtel de ville de Bruxelles (1835).
(tableau de 
Gustave Wappers)

Industrialisation, colonies et fractures sociales

Au XIXᵉ siècle, la Belgique devient l’un des premiers pays industrialisés du continent. Le bassin wallon connaît un essor spectaculaire grâce au charbon et à la sidérurgie, tandis que la Flandre, plus rurale, reste longtemps plus pauvre.

Cette industrialisation rapide engendre de profondes inégalités sociales. La Belgique est aussi le théâtre de luttes ouvrières majeures, qui aboutiront progressivement à l’extension du droit de vote et à la construction d’un État social.

Parallèlement, le pays se lance dans une aventure coloniale brutale au Congo, d’abord propriété personnelle du roi Léopold II. Cette entreprise, marquée par une violence extrême, laisse une empreinte durable et douloureuse dans l’histoire belge, dont les débats mémoriels se poursuivent encore aujourd’hui.

Guerres mondiales et recompositions internes

Située au cœur de l’Europe, la Belgique est envahie lors des deux guerres mondiales. Ces traumatismes renforcent à la fois le sentiment national et les fractures internes. Après 1945, le déclin industriel wallon et le dynamisme économique flamand inversent les rapports de force économiques.

Les tensions linguistiques et culturelles conduisent progressivement à une transformation profonde de l’État. À partir des années 1970, la Belgique devient un État fédéral, reconnaissant officiellement ses régions et communautés.

Une identité faite de pluralité

Aujourd’hui, la Belgique peut sembler complexe, parfois fragile. Mais cette complexité est aussi son héritage et sa force. Elle est le produit de siècles de coexistence, de compromis et d’adaptations successives.

Être belge, ce n’est pas appartenir à une identité figée, mais à une histoire de passages, de négociations et de pluralité. En ce sens, la Belgique n’est pas une anomalie européenne : elle en est peut-être l’un des miroirs les plus fidèles.

 Manneken Pis (Bruxelles)


De tous les peuples, les Belges sont les plus courageux.

Jules César


Dates clés 

  • Iᵉʳ siècle av. J.-C. : Jules César évoque les Belgae et conquiert la région.

  • 800 : Charlemagne est couronné empereur.

  • XIIIᵉ–XVᵉ siècles : Apogée des villes flamandes et du commerce européen.

  • 1384–1477 : Unification des Pays-Bas bourguignons.

  • 1568–1648 : Séparation entre Provinces-Unies (nord) et Pays-Bas méridionaux (sud).

  • 1795 : Annexion à la France révolutionnaire.

  • 1815 : Rattachement aux Pays-Bas.

  • 1830 : Indépendance de la Belgique.

  • 1831 : Adoption de la Constitution et règne de Léopold Ier.

  • 1885 : Création de l’État indépendant du Congo.

  • 1914–1918 : Première Guerre mondiale : invasion et occupation.

  • 1940–1945 : Occupation allemande durant la Seconde Guerre mondiale.

  • 1960 : Indépendance du Congo
  • 1970–1993 : Transformation de la Belgique en État fédéral.

Léopold Ier par George Dawe.
premier roi des Belges en1831


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