Quand Raoul Villain l’assassin de Jaurès était acquitté

Procès de Raoul Villain en 1919 (photo :Albert Harlingue/Roger-Viollet)

En fin de journée du 31 juillet 1914, Jaurès se rend au siège de son journal afin de préparer un article contre la guerre. Auparavant, il va dîner au café du Croissant, rue Montmartre, avec ses collaborateurs. Il est assis dos à la fenêtre ouverte. Observant depuis la rue la salle du café où il avait repéré que Jaurès dînait habituellement. Raoul Villain tire deux coups. La première balle touche la tête de Jaurès qui meurt sur le coup. La seconde va se perdre dans une boiserie entourant une glace.
L’assassin, encore étudiant à 29 ans, est un partisan de la guerre et proche de l’Action française. Il est arrêté et déclare avoir agi en solitaire pour « supprimer un ennemi de son pays ». Cette thèse de l’acte isolé est reprise telle quelle dans l’acte d’accusation dressé le 22 octobre 1915. Il est décrit comme un personnage falot d’apparence juvénile. Sans avoir jamais vu Jaurès, il s’est peu à peu mis en tête de tuer le « traître ». Il mûrit son acte tout au long du mois de juillet, achète un revolver Smith & Wesson, s’exerce au tir, écrit quelques lettres incohérentes et fait des repérages : le domicile de Jaurès, son journal, le café où il avait ses habitudes.
Raoul Villain est incarcéré en attente de son procès durant toute la Première Guerre mondiale. Après cinquante-six mois de détention provisoire, la guerre achevée, son procès est organisé devant la Cour d’assises de la Seine. Villain a la chance de n’être jugé qu’en 1919, à sa demande, dans un climat d’ardent patriotisme. Lors des audiences ses avocats mettent en avant la démence d’un homme isolé, ce qui résultait de son interrogatoire par Célestin Hennion, le préfet de police de Paris, dans la nuit des faits. Parmi les témoins en sa faveur figure Marc Sangnier, le pionnier du mouvement des auberges de jeunesse en France. Raoul Villain est acquitté le 29 mars 1919 par onze voix sur douze, un juré ayant même estimé qu’il avait rendu service à sa patrie. La veuve de Jaurès est condamnée aux dépens et devra donc payer les frais du procès !
Une manifestation est organisée le 6 avril pour protester contre le verdict et honorer Jaurès le pacifiste. 100 000 personnes défilent. Les affrontements avec la police causent deux morts.

Assassinat de Jaurès : la façade du café restaurant du Croissant
Agence Meurisse ; 1914 - source : Gallica-BnF

Obsèques de Jaurès, le char [qui transporte le cercueil] ;
Agence Rol ; 1914 - source : Gallica-BnF

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