À la croisée du Sahara et de l’Atlantique, le Sénégal est depuis des millénaires une terre de circulations, de rencontres et de métissages. Des premières sociétés préhistoriques aux grands empires africains, de la traite atlantique à la colonisation française, des luttes spirituelles et politiques à l’affirmation d’un État indépendant et démocratique.
À la pointe occidentale de l’Afrique, le Sénégal occupe une position singulière. Terre de passage entre le Sahara et l’Atlantique, carrefour de peuples, de langues et de croyances, il est depuis des millénaires un espace de circulation plus qu’un simple territoire. L’histoire du Sénégal et des Sénégalais ne se résume ni à la colonisation française ni aux royaumes médiévaux : elle s’enracine profondément dans la préhistoire africaine et se déploie jusqu’aux défis contemporains d’un État moderne, démocratique et culturellement foisonnant.
Renaissance africaine
(Jeff Attaway/Flickr- CC BY 2.0)
Aux origines : les premiers habitants et les sociétés anciennes
Les traces humaines les plus anciennes au Sénégal remontent à plusieurs dizaines de milliers d’années. Des outils lithiques retrouvés dans la vallée du fleuve Sénégal et dans le Ferlo témoignent de la présence de groupes de chasseurs-cueilleurs dès le Paléolithique. Ces populations s’adaptent à des environnements changeants, alternant périodes humides et phases de sécheresse.
À partir du Néolithique (environ 3000 av. J.-C.), l’apparition de la céramique, de l’agriculture et de l’élevage transforme progressivement les sociétés. Les mystérieux cercles de pierres de Sénégambie, inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO, attestent de sociétés organisées, capables de mobiliser une main-d’œuvre importante et dotées de croyances complexes autour de la mort et des ancêtres.
Ces premières communautés posent les fondations d’un rapport étroit à la terre, aux fleuves et aux saisons, qui marquera durablement les sociétés sénégalaises.
Le Sénégal dans l’âge des empires africains
À partir du premier millénaire de notre ère, la région s’intègre à de vastes réseaux commerciaux transsahariens. Le fleuve Sénégal devient un axe majeur reliant l’Afrique de l’Ouest aux mondes berbère et arabe.
Le royaume du Tekrour, dès le IXᵉ siècle, est l’un des premiers États islamisés d’Afrique subsaharienne. Il joue un rôle clé dans la diffusion de l’islam, mais aussi dans l’organisation politique et fiscale. Plus tard, le Sénégal se trouve à la périphérie de grands empires africains : l’empire du Ghana, puis surtout l’empire du Mali au XIIIᵉ et XIVᵉ siècles, dont la prospérité repose sur l’or, le commerce et une administration centralisée.
Loin d’être des marges passives, les territoires sénégalais participent pleinement à ces dynamiques impériales tout en conservant leurs spécificités locales.
Wolofs, Sérères, Peulhs, Mandingues...: une mosaïque ethnique
Entre le XVᵉ et le XVIIIᵉ siècle, plusieurs royaumes et confédérations dominent l’espace sénégalais. Le plus célèbre est l’empire du Jolof, fondé selon la tradition par Ndiadiane Ndiaye. Il fédère plusieurs royaumes wolof (Waalo, Cayor, Baol) tout en laissant une large autonomie aux autorités locales.
Parallèlement, les Sérères développent des sociétés fortement structurées autour des lignages, des cultes ancestraux et d’une agriculture adaptée aux sols difficiles. Au sud et à l’est, les influences mandingues et diolas dessinent d’autres modèles politiques, souvent moins centralisés.
Les Peulhs, présents dans la vallée du fleuve Sénégal, le Ferlo et l’est du pays sont historiquement associé au pastoralisme transhumant.
Ces sociétés sont marquées par une forte hiérarchisation sociale, mais aussi par des mécanismes de négociation, de palabre et de consensus, qui nourriront plus tard certaines pratiques politiques modernes.
Femme Peulh photographiée par Francois-Edmond Fortier vers 1920
L’Atlantique, la traite et le traumatisme de l’esclavage
À partir du XVe siècle, l’arrivée des Européens — Portugais, puis Français, Hollandais et Anglais — bouleverse profondément les équilibres régionaux. L’île de Gorée, face à Dakar, devient l’un des symboles les plus puissants de la traite atlantique, même si son rôle réel fut moins massif que celui d’autres ports du golfe de Guinée.
La traite négrière marque néanmoins durablement les sociétés sénégalaises. Elle exacerbe les conflits, modifie les rapports de pouvoir et entraîne des traumatismes démographiques et culturels profonds. Certains royaumes s’y opposent, d’autres y participent, souvent contraints par les rapports de force régionaux.
L’Atlantique devient alors à la fois une ouverture sur le monde et une plaie mémorielle encore vive aujourd’hui.
Islam, confréries et résistances
Du XVIIIᵉ au XIXᵉ siècle, l’islam connaît une nouvelle phase d’expansion avec l’émergence de mouvements réformateurs et de chefs religieux charismatiques. Des figures comme El Hadj Omar Tall ou Cheikh Ahmadou Bamba incarnent une autre manière de résister à la domination étrangère : par la foi, l’enseignement et l’organisation communautaire.
Les confréries soufies — tidjaniyya, mouridiyya, qadiriyya — deviennent des acteurs centraux de la société sénégalaise. Elles structurent les solidarités, l’économie rurale et la transmission des savoirs, tout en jouant un rôle politique indirect mais durable.
Cette dimension spirituelle constitue l’un des traits les plus originaux de l’histoire sénégalaise.
La colonisation française : conquête et adaptations
La colonisation française s’impose progressivement au XIXᵉ siècle, notamment sous l’action du gouverneur Louis Faidherbe. Le Sénégal devient le pivot de l’Afrique occidentale française (AOF). Dakar, fondée comme port stratégique, se transforme rapidement en capitale coloniale.
La colonisation introduit de nouvelles infrastructures, une économie d’exportation (arachide) et un système administratif centralisé, mais au prix de violences, de spoliations et de profondes inégalités. Les « quatre communes » (Dakar, Saint-Louis, Gorée, Rufisque) accordent un statut particulier à certains habitants, créant une élite urbaine francophone.
Les Sénégalais ne sont jamais de simples sujets passifs : résistances armées, négociations, stratégies d’adaptation et mobilisations intellectuelles jalonnent toute la période coloniale.
L'Abolition de l'esclavage dans les colonies françaises, 1848
(peinture de François-Auguste Biard)
Guerres mondiales et éveil politique
Au XXᵉ siècle, des dizaines de milliers de tirailleurs sénégalais participent aux deux guerres mondiales, contribuant à l’effort militaire français au prix de lourds sacrifices. Leur engagement accélère la prise de conscience politique et les revendications d’égalité.
Dans l’entre-deux-guerres puis après 1945, une nouvelle génération de leaders émerge. Léopold Sédar Senghor, poète, intellectuel et homme politique, incarne à la fois l’héritage africain et l’universalisme francophone.
Fraternité au front entre soldats français et un soldat sénégalais touché aux yeux (Verdun, 1917)
(photo :© Jacques Ridel/ECPAD/Défense )
L’indépendance et l’expérience démocratique
Le Sénégal accède à l’indépendance en 1960. Contrairement à de nombreux pays voisins, il connaît une relative stabilité politique. Senghor, puis Abdou Diouf, installent un État fort mais progressivement pluraliste.
En 2000, l’alternance démocratique avec l’élection d’Abdoulaye Wade, puis en 2012 celle de Macky Sall, confirment l’ancrage démocratique du pays, malgré des tensions sociales et politiques récurrentes.
Aujourd’hui, le Sénégal est un pays jeune, dynamique, profondément ancré dans ses traditions tout en étant tourné vers le monde. La culture sénégalaise — musique, littérature, cinéma, sport — rayonne bien au-delà de ses frontières.
Les défis sont nombreux : emploi des jeunes, urbanisation rapide, migrations, environnement, mémoire coloniale. Mais l’histoire longue du Sénégal, faite de résistances, d’adaptations et de dialogues entre cultures, constitue une ressource essentielle pour penser l’avenir.
L’histoire du Sénégal n’est ni linéaire ni homogène. Elle est celle d’un espace de rencontres, de conflits, de créations et de métissages. Des premiers outils de pierre aux débats contemporains sur la démocratie et la souveraineté, les Sénégalais ont sans cesse réinventé leurs manières d’habiter le monde.
C’est peut-être là, au-delà des ruptures apparentes, que réside la plus profonde continuité de cette histoire.
Le Sénégal est un pays où l’on ne refuse jamais l’hospitalité, même à l’étranger de passage.
Léopold Sédar Senghor
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Sénégal
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