Des sociétés autochtones millénaires à la quête contemporaine d’autonomie politique, l’histoire du Québec s’inscrit dans une longue durée faite de ruptures, d’adaptations et de résistances. Colonisation française, conquête britannique, affirmation nationale, Révolution tranquille et débats sur la souveraineté ont façonné une société singulière en Amérique du Nord.
Aux origines : peuples autochtones et territoires anciens
Bien avant l’arrivée des Européens, le territoire que l’on appelle aujourd’hui le Québec est un espace habité, parcouru et façonné par des peuples autochtones depuis des millénaires. Les archéologues attestent d’une présence humaine remontant à plus de 10 000 ans, à la suite du retrait des glaciers. Ces sociétés ne forment pas un ensemble homogène : elles se distinguent par leurs langues, leurs modes de vie, leurs structures politiques et leurs rapports au territoire.
Dans la vallée du Saint-Laurent vivent des peuples iroquoiens sédentaires, cultivateurs de maïs, de courges et de haricots, organisés en villages fortifiés. Plus au nord et à l’est, les nations algonquiennes – Innus (Montagnais), Algonquins, Atikamekw, Cris, Mi’kmaq – privilégient des modes de vie plus mobiles, étroitement liés à la chasse, à la pêche et aux cycles saisonniers. Ces sociétés disposent de réseaux commerciaux étendus, de systèmes diplomatiques complexes et de savoirs environnementaux extrêmement fins.
Cette profondeur historique est essentielle : l’histoire du Québec ne commence pas avec la colonisation européenne. Elle s’inscrit dans une longue durée autochtone, dont les effets et les blessures marquent encore le présent.
Les premiers contacts et l’entrée dans l’Atlantique
À la fin du XVe siècle, l’espace nord-américain entre dans l’orbite des grandes explorations européennes. Les pêcheurs basques, bretons et normands fréquentent déjà les eaux du golfe du Saint-Laurent lorsque Jacques Cartier, mandaté par François Ier, remonte le fleuve en 1534 puis en 1535. Il prend possession symbolique du territoire au nom du roi de France et rencontre des populations iroquoiennes installées à Stadaconé et Hochelaga.
Ces premiers contacts sont ambigus : échanges commerciaux, alliances potentielles, mais aussi incompréhensions culturelles profondes. Les maladies venues d’Europe provoquent des ravages démographiques majeurs parmi les populations autochtones, bouleversant durablement les équilibres régionaux.
L'arrivée de Champlain à Québec, peinture de Henri Beau
Musée national des beaux-arts du Québec
La Nouvelle-France : une colonie fragile et singulière
La fondation de Québec par Samuel de Champlain en 1608 marque le véritable début de la colonisation française. Contrairement aux colonies anglaises du sud, la Nouvelle-France se développe lentement. Elle repose sur le commerce des fourrures, qui nécessite des alliances avec les nations autochtones, notamment les Hurons-Wendat.
La société coloniale est structurée par le régime seigneurial, l’Église catholique et l’autorité royale. Les colons – appelés Canadiens – développent progressivement une identité distincte de celle de la métropole française. Le territoire reste immense, mais la population demeure faible : au milieu du XVIIIe siècle, la Nouvelle-France compte environ 70 000 habitants, contre plus d’un million dans les Treize Colonies britanniques.
Les guerres franco-anglaises en Amérique du Nord culminent avec la guerre de Sept Ans. La défaite française à Québec en 1759, suivie de la capitulation de Montréal en 1760, scelle le sort de la colonie.
La Conquête britannique : rupture et continuité
Le traité de Paris de 1763 officialise le passage de la Nouvelle-France sous domination britannique. Cet événement, longtemps appelé simplement « la Conquête », constitue un traumatisme majeur dans la mémoire collective québécoise. Pourtant, les autorités britanniques adoptent rapidement une politique pragmatique.
L’Acte de Québec de 1774 garantit la liberté de religion catholique et le maintien du droit civil français. Cette reconnaissance permet à la population canadienne-française de préserver ses institutions fondamentales, tout en devenant minoritaire dans un empire anglophone.
La Révolution américaine (1775-1783) renforce cette singularité : le Québec demeure fidèle à la Couronne britannique, tandis que des loyalistes anglophones viennent s’y installer, accentuant la dualité linguistique et culturelle.
Le XIXe siècle : tensions politiques et affirmation nationale
Le XIXe siècle est marqué par des transformations profondes. La population canadienne-française croît rapidement, tandis que l’immigration britannique modifie l’équilibre démographique. Les institutions politiques coloniales restent largement contrôlées par une élite anglophone.
Les rébellions de 1837-1838, menées par les Patriotes de Louis-Joseph Papineau, expriment une revendication démocratique et nationale. Leur échec entraîne une répression sévère, mais aussi des réformes. L’Acte d’Union de 1840 fusionne le Haut et le Bas-Canada dans l’objectif assumé d’assimiler les francophones.
Paradoxalement, cette période voit aussi l’émergence d’un nationalisme canadien-français fondé sur la langue, la religion catholique et la survivance culturelle. L’Église joue un rôle central dans l’éducation, la santé et la vie sociale.
La Confédération et la province de Québec
En 1867, le Québec devient une province du Dominion du Canada avec l’Acte de l’Amérique du Nord britannique. Cette fédération accorde au Québec un certain contrôle sur l’éducation et le droit civil, consolidant sa spécificité culturelle.
Cependant, l’industrialisation rapide et l’urbanisation transforment la société. Montréal devient un grand centre industriel, marqué par de fortes inégalités sociales. L’économie demeure largement contrôlée par des intérêts anglophones, tandis que les francophones occupent souvent les emplois les moins rémunérés.
Un véhicule publicitaire du Parti libéral du Québec pendant la campagne électorale du printemps (
photo : Parti libéral du Québec)
La Révolution tranquille : une rupture fondatrice
Les années 1960 constituent un tournant majeur avec la Révolution tranquille. Sous l’impulsion du gouvernement de Jean Lesage, l’État québécois se modernise rapidement : nationalisation de l’électricité, création d’un système d’éducation public, sécularisation des institutions.
Cette période voit l’émergence d’un nouveau nationalisme québécois, laïc et politique, centré sur l’idée que les Québécois forment une nation à part entière. Le slogan « Maîtres chez nous » résume cette volonté de reprendre le contrôle économique, culturel et politique.
Manifestation d'indépendantiste sà Montréal (1969)
Souveraineté, débats et transformations contemporaines
À partir des années 1970, la question de la souveraineté du Québec devient centrale. Le Parti québécois, fondé par René Lévesque, porte ce projet et remporte le pouvoir en 1976. Deux référendums sur l’indépendance, en 1980 et en 1995, se soldent par des défaites, la seconde par une marge extrêmement étroite.
Parallèlement, le Québec adopte des politiques linguistiques ambitieuses, notamment la Charte de la langue française (loi 101), visant à assurer la prédominance du français dans l’espace public.
Le Québec d’aujourd’hui : mémoire, diversité et avenir
Au XXIe siècle, le Québec est une société pluraliste, marquée par l’immigration, les débats identitaires et les enjeux de mondialisation. Les relations avec les peuples autochtones, longtemps marginalisées, occupent une place croissante dans l’espace public, entre reconnaissance, réconciliation et conflits persistants.
L’histoire du Québec est celle d’une tension constante entre domination et résistance, adaptation et affirmation. Elle ne se réduit ni à une marche linéaire vers l’émancipation, ni à un récit de victimisation. Elle est le produit de rencontres, de conflits, de compromis et de réinventions successives.
Comprendre le Québec, c’est accepter cette complexité : celle d’une société façonnée par la longue durée, par les héritages autochtones, coloniaux et modernes, et par une quête toujours renouvelée de sens et d’avenir.
Est Québécois qui veut l’être.
René Lévesque
Fondateur du Parti québecois
Histoire populaire du Québec –
Les ouvrages très appréciés deJacques Lacoursière racontent l’histoire du Québec sur plusieurs tomes avec un style vivant et accessible, pour avoir une vision complète et narrative du passé québécois.
On vient au Québec d’abord pour sa nature, immense et majestueuse. Puis on découvre les hommes qui y vivent et en prennent soin, construisent des maisons aux couleurs si gaies, des villes où la culture domine… Des habitants d’une incomparable gentillesse, que vous allez aimer !
337 expressions québécoises
Un grand livre à savourer
Dans Amérique, continent indigène, Pekka Hämäläinen renverse le récit classique de la colonisation. Loin de l’image de peuples rapidement submergés par la supériorité européenne, il montre qu’une grande partie de l’Amérique du Nord est restée majoritairement autochtone jusqu’à la fin du XIXᵉ siècle.
De 1492 à Wounded Knee, l’auteur retrace une histoire faite de diplomatie, d’alliances, de conflits et de stratégies politiques élaborées, où les nations indigènes apparaissent non comme de simples victimes, mais comme de véritables acteurs de l’histoire.
S’appuyant sur des sources autochtones et européennes, ce livre majeur invite à repenser en profondeur la conquête de l’Amérique et la place de ses premiers habitants dans la construction du continent.
Les revendications indépendantistes québécoises
Les revendications indépendantistes au Québec s’inscrivent dans une longue histoire de rapports asymétriques avec le pouvoir central canadien. Elles ne naissent pas ex nihilo dans les années 1960, mais trouvent leurs racines dans la Conquête britannique, la marginalisation politique et économique des francophones, et la crainte persistante de l’assimilation linguistique et culturelle.
Le mouvement indépendantiste moderne émerge dans le contexte de la Révolution tranquille. Il rompt avec le nationalisme canadien-français traditionnel, longtemps centré sur la survivance religieuse et culturelle, pour proposer un projet politique : la création d’un État québécois souverain, maître de ses lois, de sa fiscalité et de ses relations internationales.
René Lévesque formule cette ambition sous la notion de « souveraineté-association », qui vise à concilier indépendance politique et maintien de liens économiques avec le Canada. Le référendum de 1980, perdu à près de 60 %, marque un premier coup d’arrêt, mais la question demeure vive.
Le second référendum, en 1995, révèle la profondeur de la fracture : le camp du « non » l’emporte par moins d’un point. Cet épisode laisse une trace durable dans la société québécoise, nourrissant à la fois désillusion, ressentiment et reconfigurations du débat national.
Depuis, l’indépendantisme connaît des phases de reflux et de recomposition. Il demeure cependant un courant structurant de la vie politique québécoise, porté par l’idée que la reconnaissance culturelle et linguistique reste incomplète sans souveraineté politique. Plus qu’un simple projet institutionnel, il constitue pour ses partisans une réponse à une question existentielle : celle de la capacité d’un peuple à décider pleinement de son avenir.