Plongez dans le quotidien méconnu des paysans français, entre labeur acharné, traditions ancestrales et bouleversements historiques. Découvrez comment nos ancêtres cultivaient la terre, défiaient les seigneurs et survivaient aux crises, dans une époque où la campagne était le cœur battant du royaume.
La Charrette : peinture de Louis Le Nain (1641) - Musée du Louvre
Une société rurale et hiérarchisée
Au XVIIe siècle, la France reste un pays majoritairement rural : près de 90 % de la population vit dans les campagnes. La société est organisée autour de la seigneurie et de la paroisse, deux piliers qui rythment la vie quotidienne. Les paysans, qu’ils soient laboureurs, vignerons ou artisans, forment l’écrasante majorité de la population. Leur existence est marquée par une forte hiérarchie sociale : les laboureurs, propriétaires de leurs terres, dominent les journalier·e·s et les brassier·e·s, qui louent leur force de travail au jour le jour.
La noblesse et le clergé, bien que minoritaires, détiennent la majorité des terres et des privilèges. Les seigneurs perçoivent des droits féodaux (banalités, corvées, dîme), tandis que l’Église encadre la vie spirituelle et sociale à travers les paroisses.
Famille de paysans ( vers1642)- peinture de Louis Le Nain (Musée du Louvre)
Le travail de la terre : une lutte quotidienne
L’agriculture est le cœur de l’économie rurale. Les techniques restent traditionnelles : la charrue, la jachère, et l’assolement triennal (blé, orge, jachère) dominent. Les rendements sont faibles, et les récoltes dépendent étroitement des conditions climatiques. Les années de mauvais temps, comme le « Grand Hiver » de 1601 ou les sécheresses des années 1630, provoquent des famines dévastatrices.
Les paysans cultivent principalement des céréales (blé, seigle, avoine), des légumineuses et élèvent du bétail. Les jardins potagers et les vergers complètent une alimentation souvent monotone, basée sur le pain, la soupe et les légumes. La viande reste un luxe réservé aux jours de fête.
Les corvées et les impôts pèsent lourdement sur les épaules des paysans. En plus des droits seigneuriaux, ils doivent s’acquitter de la taille (impôt royal), de la gabelle (impôt sur le sel) et de la dîme (pour l’Église). Ces charges, combinées aux réquisitions militaires et aux épidémies, maintiennent une grande partie de la population dans une précarité permanente.
La vie sociale et culturelle : entre traditions et contrôle
La vie dans les campagnes est rythmée par le calendrier liturgique et les fêtes saisonnières. Les veillées, les foires et les pèlerinages sont des moments de sociabilité essentiels. Les contes, les chansons et les danses se transmettent oralement, renforçant un sentiment d’appartenance communautaire.
Cependant, l’Église et l’État cherchent à encadrer ces pratiques. Les curés veillent à la moralité des fidèles, tandis que les ordonnances royales tentent de réguler les mœurs (interdiction des danses « indécentes », lutte contre l’ivresse). Les sorcières, accusées de tous les maux, sont encore persécutées, surtout dans les régions reculées.
L’éducation reste rare : seuls les enfants des familles aisées ou ceux destinés à la prêtrise apprennent à lire et à écrire. Pour la majorité, les savoirs se transmettent par l’apprentissage et l’imitation.
Les bouleversements du siècle : guerres, crises et résistances
Le XVIIe siècle est marqué par des crises répétées :
- Les guerres : la guerre de Trente Ans (1618-1648), puis les conflits de Louis XIV (guerre de Hollande, guerre de la Ligue d’Augsbourg) épuisent les campagnes. Les réquisitions, les pillages et les épidémies (comme la peste de 1630) déciment les populations.
- Les révoltes : les paysans se soulèvent parfois contre les abus seigneuriaux ou les impôts excessifs. Les « croquants » du Périgord ou les « nu-pieds » de Normandie incarnent ces mouvements de résistance, souvent réprimés dans le sang.
- Les mutations économiques : le développement des manufactures royales et le commerce colonial commencent à modifier les équilibres traditionnels, même si les campagnes restent à l’écart de ces transformations.
Un héritage contrasté
La vie dans les campagnes françaises du XVIIe siècle est celle d’une société en tension : entre la permanence des traditions et les bouleversements politiques, entre la résilience des communautés et la précarité du quotidien. Malgré les difficultés, les paysans et paysannes de l’époque jetteront les bases d’une agriculture plus intensive et d’une société rurale qui évoluera profondément au siècle suivant.
Une évocation en chanson par Amaya
L’agriculture et le commerce sont les deux mamelles de la France.
Colbert (ministre de Louis XIV)
1619-1683
Événements marquants du siècle
- Fin des guerres de Religion (édit de Nantes en 1598) et rétablissement de l’autorité royale sous Henri IV
- Régence d’Anne d’Autriche, Fronde (1648-1653), renforcement de l’absolutisme sous Louis XIV
- Révocation de l’édit de Nantes (1685), guerres incessantes et crises économiques .
A lire pour aller plus loin
Un livre de référence de Pierre Goubert, professeur émérite à l'Université de Paris-Sorbonne, pionnier de la démographie historique.
Du rétablissement de la paix (1598) à la mort de Louis XIV. Pierre Goubert a choisi de privilégier les traits communs malgré les diversités régionales, tant dans les langues, les coutumes, le travail que le jeu. Des Flandres aux Pyrénées et de la Bretagne à la Provence, il invite à découvrir le paysan d'autrefois à travers l'étude de la propriété, de la maison, de l'alimentation, des rythmes de la vie (naissance, mariage, mort), des hiérarchies sociales.
Ce livre propose une plongée inédite dans la vie des campagnes françaises au XVIIe siècle, à travers le destin d’un personnage méconnu : Nicolas Delacour, officier forestier et receveur d’une seigneurie en Île-de-France. En s’appuyant sur la trajectoire de ce notable rural, mort octogénaire en 1668, l’auteur reconstitue le quotidien d’un village, Maffliers (actuel Val-d’Oise), et éclaire les mécanismes du pouvoir local pendant une période marquée par la guerre de Trente Ans, les tensions sociales et les bouleversements économiques.
Grâce à Nicolas Delacour, figure à la fois chef de clan et politicien local, l’ouvrage fait revivre les acteurs, les rouages et le décor de la société rurale de l’époque. Le récit dépasse le simple portrait individuel pour offrir une fresque vivante et contrastée des campagnes : entre malversations, violences, et moments de joie, l’auteur restitue les tensions, les solidarités et les dynamiques qui animent la vie collective, du mendiant au seigneur.
À travers cette biographie sociale, c’est tout un monde qui renaît, avec ses drames et ses espoirs, ses conflits et ses fêtes, dans une ambiance rappelant les scènes animées des frères Le Nain ou de Bruegel. Une plongée immersive dans le XVIIe siècle rural, où l’histoire se vit au ras du sol.