Le Vol du Dalí de Rikers Island : le vol le plus surréaliste de l'Histoire

L’histoire de l’art regorge de vols audacieux, mais peu sont aussi ironiques que celui du tableau de Salvador Dalí, offert aux détenus de la prison de Rikers Island… et volé par leurs propres gardiens. Une affaire où l’absurde surréaliste de Dalí semble avoir inspiré la réalité... Un mystère toujours non résolu.


Un cadeau pour les détenus

En février 1965, Salvador Dalí, alors en résidence à New York, devait se rendre à Rikers Island, la célèbre prison new-yorkaise, pour une séance d’art-thérapie avec les détenus. Atteint d’une forte fièvre le jour J, il annula sa visite, mais pour se faire pardonner, il réalisa en deux heures une gouache sur papier intitulée "Christ on the Cross" (ou "Crucifixion"). Avec une dédicace manuscrite — "For the dinning room of the prisoners, Rikers Island" — et son paraphe "S.D.", l’œuvre fut offerte aux détenus. Pendant près de 40 ans, elle orna les murs du réfectoire, puis du hall d’accueil de la prison, avant d’être reléguée dans un couloir, oubliée, puis redécouverte et exposée à nouveau… jusqu’à ce qu’elle attire l’attention de ceux qui devaient la protéger.

La gouache encadrée de Salvador Dalí,"Christ on the Cross", à Rikers Island

Au XIIIe siècle, Florence est une république florissante, mais sa vieille cathédrale, Santa Reparata, ne suffit plus à abriter ses fidèles. En 1296, les autorités lancent un projet pharaonique : construire une nouvelle cathédrale, plus grande et plus belle, dédiée à la Vierge Marie. L’architecte Arnolfo di Cambio est chargé des plans, mais un obstacle de taille se présente rapidement : comment construire une coupole de 45 mètres de diamètre, une taille inédite pour l’époque ?

La question reste sans réponse pendant plus d’un siècle. Les Florentins, fiers et déterminés, refusent d’abandonner leur rêve. Ils savent que cette cathédrale doit être à la hauteur de leur puissance économique et politique.

Le Vol : Une Conspiration de Gardiens

En mars 2003, quatre gardiens de Rikers Island — Benny Nuzzo, Timothy Pina, Greg Sokol et Mitchel Hochhauser — organisèrent un vol digne d’un film. Leur plan ? Profiter d’un exercice d’incendie simulé pour remplacer l’original par une copie grossière, réalisée à partir d’une photo Polaroïd. Le faux, agrafé au mur, fut rapidement repéré : les couleurs et la taille ne correspondaient pas. L’enquête révéla que les gardiens avaient agi par appât du gain, inspirés par un article du New York Times estimant la valeur de l’œuvre à plus de 1 million de dollars (contre 175 000 dollars en 1985)

Les complices se retournèrent les uns contre les autres. Trois plaidèrent coupable et écopèrent de peines légères (probation, amendes, ou quelques années de prison). Benny Nuzzo, considéré comme le meneur, fut acquitté faute de preuves solides, malgré les témoignages de ses coaccusés. Il fut cependant licencié pour d’autres vols mineurs dans la prison. Quant au tableau, il disparut à jamais : certains affirmèrent qu’il avait été détruit dans un accès de panique, mais aucune preuve ne vint étayer cette thèse.

Une Œuvre d'une Valeur Inestimable

Aujourd’hui, la valeur de cette "Crucifixion" est difficile à estimer. Les œuvres de Dalí, surtout celles liées à des anecdotes historiques, voient leur cote exploser. En 2001, une crucifixion similaire (mais plus petite et plus détaillée) s’était vendue 34 100 dollars chez Sotheby’s. Or, les experts s’accordent à dire que l’œuvre de Rikers Island, avec son histoire unique et sa dédicace aux détenus, pourrait valoir entre 5 et 10 millions de dollars si elle réapparaissait.

Pour Alex Rosenberg, ancien éditeur de Dalí, l’artiste aurait trouvé cette affaire "hilarante". "Dalí adorait les coups de théâtre et l’absurde. Ce vol est presque une performance surréaliste en soi", confie-t-il.

Un Mystère Toujours Actuel

Plus de vingt ans après les faits, le sort du tableau reste inconnu. Les rumeurs persistent : et si l’œuvre était toujours cachée chez un ancien gardien, ou vendue discrètement à un collectionneur privé ? L’administration pénitentiaire de New York offre toujours une récompense pour toute information menant à sa récupération.

Cette histoire pose une question troublante : qui vole un tableau offert à des prisonniers, sinon ceux qui sont censés les surveiller ? À Rikers Island, l’art de Dalí a croisé la petite délinquance… pour créer l’un des vols les plus surréalistes de l’histoire.

Salvador Dalí photographié par Carl Van Vechten en 1939
Library of Congress, Prints & Photographs Division, Carl Van Vechten Collection,


La seule différence entre un fou et moi, c’est que je ne suis pas fou.

Salvador Dalí


Dali avec son ocelot, Babou, et sa canne
(source : Library of Congress)


Le livre de recettes surréaliste de Salvador Dalí, où la gastronomie se mêle à l’érotisme, à la fantaisie et à l’art. Inspiré des fastueux banquets du peintre et de Gala, l’ouvrage réunit 78 recettes illustrées et réparties en 12 chapitres, dont certains consacrés aux plats aphrodisiaques. On y retrouve toute l’exubérance de Dalí, ses images baroques et ses réflexions provocatrices sur la nourriture et la philosophie de la table.