Une nouvelle donne géopolitique : bipolarisation et émergence du tiers-monde

Lorsque la Seconde Guerre mondiale s’achève en 1945, le monde espère voir s’ouvrir une ère de paix. Mais la carte politique se redessine autour de deux blocs rivaux : d’un côté, les États-Unis, chantres du libéralisme économique et du modèle démocratique ; de l’autre, l’URSS, porte-étendard du socialisme d’État et de l’économie planifiée. Cette bipolarisation ne se limite pas à une confrontation idéologique : elle se déploie sur tous les continents, au moment même où des dizaines de colonies accèdent à l’indépendance.


Deux superpuissances, deux modèles

La Guerre froide, qui s’installe dès la fin des années 1940, oppose deux visions du monde inconciliables. Washington promeut l’Alliance atlantique, le libre-échange et l’endiguement du communisme, avec des alliés en Europe occidentale, au Japon ou encore en Corée du Sud. Moscou, en retour, fédère autour du Pacte de Varsovie et soutient les régimes socialistes ou marxistes-léninistes, de l’Europe de l’Est à Cuba.

Les tensions atteignent des sommets lors de la crise des missiles de Cuba (1962) : en installant des armes nucléaires à 150 kilomètres des côtes américaines, l’URSS de Khrouchtchev déclenche une confrontation qui place la planète au bord de la guerre nucléaire. Cet épisode symbolise le caractère planétaire et dangereux de la bipolarisation.

Indépendances et affirmation du « tiers-monde »

Dans ce contexte tendu, l’onde de choc de la décolonisation recompose les équilibres. De l’Inde (1947) à l’Algérie (1962), en passant par le Congo (1960) ou le Ghana (1957), de nombreux États émergent sur la scène internationale. Ces nouveaux acteurs refusent parfois de se laisser enfermer dans la logique des blocs.

En 1955, la conférence de Bandung marque un moment fondateur : 29 pays d’Asie et d’Afrique, récemment indépendants, affirment leur volonté de coopérer et de défendre un non-alignement vis-à-vis des deux superpuissances. Mais la réalité est souvent plus complexe : guerres civiles, fragilité économique et ingérences étrangères poussent certains de ces États à s’adosser, de gré ou de force, à l’un des deux camps.

1955 :  conférence de Bandung (Indonésie)

La Chine maoïste : un troisième pôle ?

Parmi les nouveaux acteurs, la Chine de Mao Zedong occupe une place singulière. En 1949, la victoire communiste dans la guerre civile fait de Pékin un allié idéologique de Moscou. Mais dès les années 1960, les tensions sino-soviétiques éclatent : divergences doctrinales et rivalités stratégiques mènent à une rupture ouverte.

La Chine cherche alors à se positionner comme chef de file des révolutions du « tiers-monde » : soutien aux mouvements de guérilla en Asie, en Afrique et en Amérique latine, rôle actif pendant la guerre du Vietnam aux côtés du Nord communiste, et diplomatie audacieuse qui culmine dans l’ouverture vers les États-Unis au début des années 1970.

Zhou Enlai, premier ministre chinois, signe des autographes à ses admirateurs du tiers-monde à Bandung

Des conflits périphériques à l’échelle mondiale

Le Vietnam reste l’un des exemples les plus marquants de cette interpénétration entre décolonisation et guerre froide. Issue de la première guerre d’Indochine contre la France (1946-1954), la division du pays se transforme en affrontement direct entre un Nord communiste, soutenu par l’URSS et la Chine, et un Sud appuyé par les États-Unis. L’intervention américaine (1964-1973) se solde par un échec et montre les limites de la puissance militaire face à une guerre populaire.

1968, année de révoltes étudiantes et de contestations sociales à travers le monde (Paris, Mexico, Prague), rappelle que la confrontation idéologique dépasse le seul affrontement militaire : elle traverse aussi les sociétés.

Manifestants américains contre la guerre au Vienam à Chicago en 1968
( David Wilson, CC BY 2.0 )

Le Proche et le Moyen-Orient, terrain de confrontation

Région clé par ses ressources pétrolières et sa position stratégique, le Proche et le Moyen-Orient deviennent l’un des théâtres privilégiés de la rivalité Est-Ouest. Les premières guerres israélo-arabes (1948, 1956, 1967, 1973) sont déjà autant d’occasions pour les superpuissances d’exercer leur influence : Washington soutient Israël, tandis que Moscou appuie l’Égypte de Nasser ou la Syrie.

La guerre d’Afghanistan (1979-1989) illustre aussi cette logique : l’invasion soviétique entraîne une riposte américaine indirecte via le soutien aux moudjahidines. Mais dès les années 1950-1960, les interventions et alliances dans la région témoignent de l’enchevêtrement entre conflits locaux, enjeux énergétiques et stratégie globale.

Mujahidin en Afghanistan (1987)

(erwinlux, CC BY-SA 3.0)

Un monde de plus en plus complexe

La bipolarisation n’a jamais été absolue : dès les années 1960, l’émergence du « tiers-monde » et les fractures au sein même des blocs annoncent un ordre international plus fragmenté. Les indépendances africaines, le rôle croissant des pays producteurs de pétrole ou encore la diplomatie propre de la Chine préfigurent la multipolarité qui marquera la fin du XXe siècle.

Si la Guerre froide fige certaines lignes de front, elle ouvre aussi la voie à de nouvelles dynamiques, où des acteurs jusque-là dominés prennent place autour de la table mondiale. Dans cette partie d’échecs planétaire, les coups joués entre 1947 et 1975 ont façonné durablement notre géopolitique contemporaine.

Cet article s’inscrit dans une série dédiée à la préparation du baccalauréat d’histoire.


1945 : la guerre se tait, la rivalité commence 

Alexandre Petrov


Résumé audio

en préparation


L'essentiel en chanson

Bipolarisation et émergence du tiers-monde, cette chanson évoque un moment charnière de l’histoire contemporaine et d'une nouvelle donne géopolitique.


Les dates clés

1945 – Fin de la Seconde Guerre mondiale, début de la Guerre froide (USA vs URSS)

1947 – Doctrine Truman et Plan Marshall ; indépendance de l’Inde et du Pakistan

1949 – Création de l’OTAN ; proclamation de la République populaire de Chine

1954 – Accords de Genève : fin de la guerre d’Indochine

1955 – Conférence de Bandung : naissance du mouvement des non-alignés

1956 – Crise de Suez

1957 – Indépendance du Ghana

1960 – “Année de l’Afrique” : 17 pays africains accèdent à l’indépendance

1962 – Crise des missiles de Cuba ; indépendance de l’Algérie

1965‑1975 – Guerre du Vietnam

1967 – Guerre des Six Jours au Moyen-Orient

1968 – Année de contestations mondiales : Prague, Mai 68, mouvements sociaux internationaux

1971 – La Chine rejoint l’ONU, siège au Conseil de sécurité

1973 – Guerre du Kippour, crise pétrolière et tensions Est-Ouest


Quizz



Quiz Bac – Bipolarisation & Émergence du Tiers-monde

Quiz – Bipolarisation & Émergence du Tiers-monde

1. En quelle année a eu lieu la conférence de Bandung ?

2. Quel pays devient indépendant en 1947, marquant une étape clé de la décolonisation ?

3. La crise des missiles de Cuba a eu lieu en :

4. Quel leader incarne la Chine communiste à partir de 1949 ?

5. Quel pays arabe est au centre du conflit de Suez en 1956 ?

6. Quel mouvement prône l’unité des pays nouvellement indépendants ?

7. La guerre du Vietnam oppose principalement :

8. En 1971, quel événement marque la reconnaissance internationale de la Chine ?

9. Quel événement mondial en 1968 reflète les tensions politiques et sociales ?

10. Quel pays africain est le premier à obtenir son indépendance en 1957 ?