Les prisons du Palais des Doges à Venise

Le Palais des Doges fut aussi un lieu de détention effroyable où de nombreux détenus sont morts du fait de l’insalubrité et des conditions de détention.


Du XIVe au XVIIIe siècle, la puissante République de Venise domine la Méditerranée. Son dirigeant, le Doge, élu à vie, est l’héritier du "dux", le représentant de Byzance au temps où Venise faisaient partie de l'Empire byzantin.
Le Palais des Doges n'est pas que la résidence des Doges. Il abrite également le gouvernement de la cité-État et divers services officiels : justice, diplomatie, centre de renseignements pour contrer les rivaux commerciaux et les ennemis politiques, cartographie pour la marine et les commerçants vénitiens, etc.   En outre, deux prisons existent au sein même du palais (les Puits et les Plombs). De plus, accessibles  via le Pont des Soupirs, les Nouvelles Prisons en sont une annexe carcérale.

Porte d'un cachot du Palais des Doges
(Tony Hisgett - CC BY 2.0)

Les Puits (Pozzi)

Les « Puits » regroupent 18 cachots insalubres installés sur deux niveaux inférieurs du Palais des Doges. Constamment surveillés par les gardiens, les détenus ne voient jamais la lumière du jour si ce n‘est à travers quelques soupiraux du couloir. Les cachots sont si petits que les détenus ne peuvent se tenir debout. Il n’ont pour seul mobilier qu’une planche de bois pour dormir et une étagère. Beaucoup sombrent dans la folie ou meurent prématurément de maladies dues à une hygiène déplorable dont on perçoit les miasme jusqu’à l’extérieur du bâtiment.

Les Plombs (Piombi)

Les Plombs accueillent 6 ou 7 cellules, selon les époques. Situées au niveau supérieur du donjon du Palais des Doges, dans les combles recouverts de plaques de plomb. Ce métal laisse passer le froid en hiver et, à l’inverse, concentre la chaleur en été, transformant les cachots en fournaise. On y place les accusés d’un certain rang en attente de jugement par le Conseil des Dix ou les Inquisiteurs d’État. L’attente peut parfois durer de nombre mois.

L’un des plus célèbres de ces détenus est Casanova, arrêté en 1755, pour propagande antireligieuse, libertinage et mœurs dissolues, occultisme et escroquerie.

 Il parvient à s’échapper par les toits, en octobre 1757, pour se réfugier peu après à Munich puis à Paris. Cette évasion sera la seule évasion réussie de l'histoire de cette prison réputée .inviolable.

Les Plombs
(Victor Omsky, CC0)

Les Nouvelles Prisons (Prigioni Nuove)

Au début du XVIIe siècle, avec l’essor de Venise, la construction d’un nouvel établissement pénitentiaire s’avère nécessaire. Les Nouvelles Prisons sont alors créées, accessibles depuis le Palais des Doges, par le Pont des Soupirs qui enjambe le Rio de Palazzo o de Canonica.

Vu de l’extérieur le nouveau bâtiment ressemble à un nouveau Palais mais l’intérieur est beaucoup plus sinistre, les geôles sont tout juste un peu plus grande et moins sordides que les cachots des Puits ou des Plombs. Elles sont organisées en différentes zones où les condamnés sont placés selon la gravité de leurs fautes et selon leur rang social. Une section spéciale pour les femmes est également aménagée. Enfin les Nouvelles Prisons vont également accueillir certains services judiciaires transférés depuis le Palais des Doges.
Le Pont des Soupirs qui relie le Palais des Doges et les Nouvelles Prisons est totalement fermé et recouvert pour éviter toute évasion de prisonniers. Selon la légende son nom s’explique par les gémissements que l’on entendait à l’extérieur quand les condamnés allaient ou revenaient des salles de torture.

Fait remarquable pour l’époque, les Nouvelles Prisons sont dotées d’un service médial avec un médecin et des infirmières. Les conditions de détention restent malgré tout très difficiles.  Le manque d’hygiène, la surpopulation carcérale, la présence de rats, d’insectes et autres vermines se traduisent par de nombreuses maladies et un taux de mortalité élevé chez les détenus. La nourriture se compose essentiellement de pain plus ou moins rassis, analogue à celui des galériens, assorti d’un peu de vin.

Le Pont des Soupirs qui relie la Palais des Doges (à gauche) aux Nouvelles Prisons (à droite)
(Peinture de William Turner, 1840 Tate Britain, Londres)

La prison, cette fleur noire de la société civilisée.

Nathaniel Hawthorne


Police et Justice au temps des Doges de Venise

Les Seigneurs de la Nuit (Signori di Notte) patrouillent dans Venise pour assurer la sécurité. Ce sont aussi eux qui recueillent les dénonciations anonymes déposées dans les Bouches de Lion  (Bocche di Leone) sortes de boîtes aux lettres en marbre mises en place à cet effet dans le Palais.
Les juges siègent le plus souvent dans la salle de la Chancellerie du Palais des Doges, où se trouvent conservés les actes publics et les archives secrètes du Conseil des Dix, un organe très redouté à Venise.
Afin que les prévenus avouent rapidement leur culpabilité, les magistrats peuvent recourir à la torture dans la Chambre des Supplices qui se trouve à côté de la salle de la Chancellerie. L’un des supplices courants est le supplice de la corde où l’accusé est pendu par les mains et remonté lentement en l’air ce qui se traduit rapidement par une terrible douleur d’écartèlement. Un autre supplice souvent utilisé est le supplice de la goutte où le prisonnier est attaché à une chaise tandis qu’une goutte froide tombe sur sa tête pendant des heures et des heures, sans qu’il puisse se reposer ou dormir. Les condamnés emprisonnés dans les geôles du palais entendent les cris des suppliciés ce qui rend l’atmosphère du lieu encore plus anxiogène.
Une fois jugés, les coupables de délits mineurs, comme sont ceux condamnés pour dettes, sont enfermés dans une des prisons de quartier dans Venise. Par contre, les condamnés pour de graves délits sont placés dans la prison des Puits ou dans les Nouvelles Prisons s accessibles via le pont des Soupirs. Les accusés de haut rang sont enfermés dans la prison des Plombs en attendant d’être jugés par le Conseil des Dix ou les Inquisiteurs d’État.



Une cellule des  Nouvelles Prisons


Cour des Nouvelles Prisons
(Wikimedia, CC BY-NC-SA 2.0)

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