Le  1er mai aujourd'hui jour férié, chômé et payé  dans de nombreux pays trouve son origine  dans les revendications ouvrières de la fin du XIXe siècle, notamment aux États-Unis et en France, pour obtenir la journée de travail de huit heures.


1er mai 2000 à Paris

A la suite des évènements dramatiques qui ont eu lieu à Chicago en mai 1886 (voir ci-contre), le mouvement ouvrier international décide de faire du 1er mai, une journée internationale de revendication. En France une première manifestation a lieu le 1er mai 1890 mais elle n’a pas l’ampleur escomptée. L’année suivante la mobilisation est nettement plus importante avec l’union réalisée par toutes les composantes du syndicalisme ouvrier. Dès le matin, à Paris, une première grande manifestation a lieu devant la Bourse du travail. L’après-midi le mouvement prend de l’ampleur et de violents accrochages ont lieu entre la police parisienne et des manifestants. De semblables manifestations ont également lieu un peu partout dans les villes ouvrières de France. L’une d’elle va tourner au drame

La fusillade de Fourmies

A la fin du XIXe siècle, la France est encore en pleine mutation industrielle. Vieille cité du Nord de la France à 200km de Paris, Fourmies compte alors 15 000 habitants dont une majorité d’ouvriers travaillant dans les filatures de laine. Les conditions de travail sont difficiles et dangereuses. Les journées de travail sont de onze heures pour les adultes et à peine moins pour les enfants. Il n’est par ailleurs pas rare que les patrons réduisent arbitrairement les salaires sous divers prétextes. Entre 1882 et 1891, les salaires ont baissé de plus de 10% alors que le prix du a augmenté de 20 % et celui du charbon de 44 %.

Ces dégradations de la condition ouvrière engendrent, depuis plusieurs mois, des grèves dans les filatures du Nord et la création  des premiers syndicats et groupes du Parti Ouvrier. En avril, Paul Lafargue, gendre de Karl Marx et futur député de Lille , vient à Fourmies soutenir Hippolyte Culine le représentant local du Parti Ouvrier. Ensemble ils  animent des meetings rassemblant plusieurs centaines d’ouvriers.

Un appel à la grève générale est lancé et une grande manifestation pacifique est organisée pour le 1er mai avec pour mots d'ordre,  la journée de 8 heures et l’amélioration des conditions de travail. Il est prévu de déposer le cahier de revendications à la marie à 10h et  de faire suivre la manifestation par un après-midi de festivités avec un bal en soirée.

Le 1er mai 1891, la grève est générale dans les usines. Les débrayages ont lieu dès les prises de poste à 5h du matin. À 9h un premier accrochage intervient près d’un piquet de grève où les gendarmes à cheval arrêtent quatre ouvriers. Les tensions montent et quand les grévistes viennent déposer leurs revendications en mairie, peu avant midi, ils y ajoutent la libération des ouvriers arrêtés le matin.  Le maire, en liaison avec le sous-préfet et le substitut du procureur, leur annonce la libération de leurs camarades pour 17h, ce qui calme le jeu.

En début d’après-midi, les festivités prévues se préparent. Les grévistes et leurs familles se dirigent vers le théâtre où un spectacle devait avoir lieu. Ils sont accueillis par les gendarmes à cheval qui procèdent à de nouvelles arrestations. Le programme festif doit être annulé.
Vers 16h  deux compagnies du145ème régiment d’artillerie basé à Maubeuge, appelées par le sous-préfet,  arrivent à Fourmies pour renforcer le 84ème régiment d’artillerie d’Avesne déjà sur place. Ils se dirigent vers la mairie où quelque 200 manifestants encore présents pour huer les gendarmes à pied qui leur font face. Une trentaine de soldats arrivés sur la place sont, à leur tour, pris à partie par les manifestants. « Feu ! feu ! feu rapide ! Visez le porte-drapeau ! » ordonne le commandant Chapus.

La fusillade de Fourmies,
lllustration de E. Glair-Guyot  pour le supplément du Petit Parisien du 17 mai 1891( BnF)

 En quelques secondes 9 personnes sont tuées, la plus âgée a 30 ans, toutes les autres ont moins de 20 ans, deux sont des enfants de 11 et 14 ans. Parmi elles, un couple de fiancés marquera plus particulièrement les esprits : Kléber Giloteaux, 19 ans, le porte-drapeau des grévistes et  Maria Blondeau, 18 ans, ouvrière d’une filature de coton.  La  fusillade a par ailleurs gravement blessé 35 autres personnes.

Le curé de Fourmies, l'abbé Margerin, qui avait entendu les coups de fusil, accourut sur la place et s'interposa pour stopper le massacre. Il  fit transporter les victimes dans son presbytère.

Plus de 30.000 personnes assisteront le 4 mai aux funérailles des neuf victimes .

Neuf manifestants  seront arrêtés et condamnés de deux à quatre mois pour entrave à la liberté de travail, outrage, violence à agent et rébellion. En outre, le 5 juillet, lors d'un procès en cour d'assises,  Hypolyte Culine et Paul Lafargue seront a condamnés pour incitation à l'émeute, le premier à six ans et le second à un an. Paul Lafargue sera néanmoins libéré de façon anticipée, après son élection comme député, en novembre 1891. 

La journée de 8 heures

Le drame de Fourmies renforce la détermination des syndicats et des partis de gauche à obtenir satisfaction pour la principale revendication des travailleurs, la limitation de la journée de travail à 8 heures. Le massacre de Fourmies est un des évènements qui va conduire à la création de la Section française de l'Internationale ouvrière (SFIO) et qui va, plus globalement, concourrir à l'essor du syndicalisme et des idées socialistes. ll faudra cependant encore attendre une trentaine d'années, en France, pour voir aboutir la revendication de la journée de huit heures.  Entre temps de nombreuses grèves et autre 1er mai de manifestations auront lieu

" Les manifestations du 1er mai à Paris. Une charge de cavalerie" »
Supplément illustré du Petit Journal, 13 mai 1906.

En France, la journée de huit heures est a finalement votée par le parlement en 1919 et le 1er mai devient par ailleurs une journée chômée.

En 1941,  le régime de Vichy récupère cette date symbolique et la fête des travailleurs  se transforme en "Fête du Travail et de la Concorde sociale" (en référence à la devise du régime de Vichy "Travail, Famille, Patrie").

Après la Libération,   la loi du 30 avril 1947, relative à la journée du 1er mai, lui redonnera sa finalité première. Le 1er mai sera institué définitivement comme jour férié, chômé et payé en 1948 .

La fête des travailleurs dans le monde

Presque tous les pays du monde célèbrent aujourd'hui une fête des travailleurs ou une fête du travail  sous une forme ou sous une autre. La majorité des pays ont chois le 1er mai et ont gardé un lien  avec son origine de lutte des travailleurs.
D'autres ont pris leurs distances avec l'origine syndicale et sont pragmatiques. Ainsi, au Royaume-Uni, l'équivalent du 1er mai est le premier lundi de mai ce qui permet d'avoir tous les ans un week-end de trois jours. Sa dénomination, idéologiquement neutre, est "Early May Bank Holiday," Même soucis de neutralité et de pragmatisme en Amérique du nord. Le "Jour du travail" ( labor day) est le premier lundi de septembre ce qui garanti là aussi un week-end de trois jours chaque année. Les syndicats et les partis de gauche continuent néanmoins à célébrer le 1er mai comme jour de lutte des travailleurs.
En Australie, la situation est plus complexe. Si le 1er mai reste une date de référence pour les syndicats, la fête du Travail est officiellement commémorée à d'autres dates : le 4 mars en Australie occidentale, le 11 mars dans l'État de Victoria, le 6 mai dans le Queensland et le territoire du Nord, le 7 octobre à Canberra (la capitale), en Nouvelle-Galles du Sud (Sydney) et en Australie méridionale.

Quelques pays fêtent le 1er mai en se raccrochant à de vieilles traditions. C'est par exemple le cas de la Finlande pour qui la plus grande fête du printemps est Vappu, ou la Nuit de Walpurgis, une sorte de carnaval qui a lieu dans la nuit du 30 avril au 1er mai.  L'hommage au travail et aux travailleurs y est donc célébrés le même jour.
Dans certains pays la fête du travail est un jour férié mais non chômé. Pour d'autres enfin, il est ni férié ni chômé. En Europe c'est le cas des Pays-Bas où la fête du travail n'existe tout simplement pas . Au Danemark les travailleurs sont bien célébrés lors de la "Journée de lutte et de célébration des travailleurs" (Arbejdernes kamp og festdag) mais ils ne sont pas payés.

La fête des travailleurs dans le monde
D'après  "Observance of International Workers' Day" / CC BY-SA 4.0

On demandera le travail à celui qui a reçu le salaire.

Proverbe arabe


Le sanglant Mai 1886 de Chicago

C’est en 1886 que les syndicalistes américains préparent une grande journée de grève générale interprofessionnelle pour obtenir les 8 heures. Ils choisissent symboliquement la date du 1er mai qui est le premier jour de l’année comptable pour les entreprises des États-Unis. Ce jour qui suit la clôture des comptes marque également la fin des contrats de travail et la nécessité pour beaucoup de déménager pour en trouver un nouveau, d’où le nom de moving day donné au 1er mai outre atlantique.
Plus de 300.000 travailleurs américains se sont mobilisés ce 1er mai 1886 à travers tout le pays  pour revendiquer la journée de 8 heures. La grève se poursuit les jours suivants dans de nombreuses entreprises. Le 3 mai, un ouvrier gréviste des usines McCormick trouve la mort lors d’une manifestation à Chicago. Le lendemain les syndicats ouvriers organisent une grande marche de protestation qui va tourner au drame. L’explosion d’une bombe à Haymarket Square tue sept policiers.  Les forces de l’ordre répliquent et tirent sur la foule, entrainant la mort de quelque six autres personnes et faisant plusieurs dizaines de blessés

Huit dirigeants syndicalistes seront arrêtés et accusés à tort d'être à l'origine de l'attentat. Quatre 4 d’entre eux seront pendus, 3 autres seront condamnés à perpétuité et un se suicidera en prison avant son exécution prévue. Ils seront tous innocentés lors d’un procès en révision tenu en 1893, il apparaîtra que la plupart n’étaient même pas sur Haymarket square au moment des faits.

Cette injustice sera à l'origine des célébrations du 1er mai

Gravure de 1886 parue dans le journal Harper's Weekly illustrant  le drame de Haymarket Square.


Le drame de Fourmies dans les médias

Les évènements Fourmies eurent un fort retentissement en France. Les journaux et magazines en firent leurs premières pages, des cartes postales illustrèrent l’évènement, des romans,  des pièces de théâtre et des chansons s’en inspirèrent. 

Illustration de Maria Blondeau et Kléber Giloteaux fusillés lors de la manifestation du 1er mai 1891 à Fourmies et source d'inspiration pour la chanson "Les Fiancés du Nord". ,CC BY-SA 4.0 


L'abbé Margerin s’interpose durant la fusillade  de Fourmies 1er mai 1891



Histoire thématique


Le muguet du 1er mai

À la fin du XIXe siècle, il était de coutume d’arborer une églantine, fleur traditionnelle du Nord, lors du défilé du 1er mai, en souvenir notamment de la fusillade de Fourmies de 1891.

En France, cette fleur, associée à la gauche et à l'Internationale socialiste, est peu à peu remplacée par le muguet, symbole de bonheur, qui était offert aux dames à l’approche du printemps, une tradition qui remonte à la Renaissance et à Charles IX, le fils  Catherine de Médicis et de Henri II. La même évolution s’observe aussi en Allemagne où l'œillet rouge est également peu à peu remplacé par le muguet.

Désormais, le 1er mai est l'occasion d'offrir un brin de muguet porte-bonheur à ceux qu’on aime.

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