L'étonnant rapport à la mort des Étrusques

Les Étrusques, soucieux de vivre l’instant présent, voulaient également emporter les plaisirs de la vie dans l'au-delà.


Les tout premiers Étrusques du début de l'ère néolithique  incinéraient leurs morts et plaçaient leurs cendres dans des récipients en terre cuite comme par exemple des urnes dont la forme biconique est typique de leur culture, il y a plus de 10.000 ans.  La pratique de l'incinération et du placement dans des récipients en terre cuite décorée s'est poursuivie tout au long de l'histoire des Étrusque.

Urnes pré-étrusques à décor simple datant deux mille ans 
(Musée de Berlin, Photo : Lillyundfreya, CC BY-SA 3.0 )

Cependant, au fil du temps, l'inhumation à l'intérieur de sarcophages grandeur nature en terre cuite, en marbre, en albâtre ou en pierre fut également largement pratiquée et coexista avec la crémation.

Sarcophage des Amazones, nécropole de Monterozzi (Tarquinia)
Photos : I. Sailko, CC BY-SA 3.0

Les sépultures étrusques sont parmi les plus riches du monde méditerranéen. C’est d'elles et des vestiges retrouvés dans les nécropoles que viennent l’essentiel de nos connaissances sur ce peuple antique.
Ces nécropoles reflétaient les villes les vivants. Chacune disposait de rues organisées par quartier de tombes, comparables aux quartiers d’habitations des vivants. Certaines étaient pavées avec des trottoirs.
Chaque cité des morts grossissait au même rythme que la cité des vivants à laquelle elle était rattachée. Au fil des siècles certaines sont devenues immenses, comme celles Cerveteri et de Tarquinia qui comptent
des milliers de sépultures disposées selon un plan quasi urbain, avec quartiers, rues et petites places.

Parallèle à la cité des vivants, la nécropole étrusque rappelle les pratiques des anciens Égyptiens qui concevaient les tombeaux comme des demeures pour leurs morts. Ils y plaçaient leurs biens les plus précieux et attachaient beaucoup d'importance à la décoration, rappelant la vie et les moments de bonheur ou de fête qu'elle peut offrir. 

Contrairement aux Grecs, qui enterraient ensemble uniquement les membres de la famille immédiate, les Étrusques pouvaient placer dans une seule tombe les corps de plusieurs générations d’une même famille. Cette pratique témoigne des liens familiaux  multigénérationnels des Étrusques. Ces tombes familiales se présentent comme des petits bâtiments carrés ou comme de grands édifices ronds recouverts de terre à la manière des tumulus.  Certaines tombes circulaires mesurent jusqu'à 40 mètres de diamètre.

Tombes familiales étrusques
(Sergio D'Afflitto, CC BY-SA 3.0)

Intérieur de tombes de la nécropole  de Banditaccia (Cerveteri)

Les sarcophages constituent une autre facette des caractéristiques de la culture étrusque. Ils illustrent leur vision de l'au-delà . Les sarcophages se présentent souvent sous la forme d’un de ces canapés qui étaient utilisés dans toute la Méditerranée antique pour les banquets festifs. Le défunt, un homme ou une femme, est représenté allongé sur le couvercle de son sarcophage, généralement serein et naturel.

Sarcophage étrusque de Letitia Saeianti, Musée Archéologique de Florence,
(Sailko  CC BY-SA 3.0)

Assez souvent, un mari et sa femme sont représentés ensemble sur le dessus du sarcophage même si un seul corps est inhumé. C’est le cas par exemple du Sarcophage des Époux, datant du VIe siècle avant notre ère, qui se trouve aujourd’hui au Musée National Étrusque de la  Villa Giulia à Rome ou de celui très proche, probablement été réalisé dans le même atelier,  qui est présenté au Musée du Louvre à Paris.

Sarcophage des Époux (Musée national étrusque  à Rome  : à l'origine, le couple devait sans doute tenir dans ses mains des récipients pour boire et d'autres mets d'un banquet (Sailko, CC BY-SA 4.0 )

L'art funéraire étrusque n'est pas triste.  Il célèbre la convivialité, le souvenir des bons moments et la fête. Les peintures des salles des tombeaux montrent des danseurs, des musiciens,  la boisson et la bonne chère des repas de famille. Les Étrusques voulaient emporter dans l'au-delà les plaisirs de la vie.

En Étrurie, les festivités publiques incluent aussi bien des femmes que des hommes, contrairement à la Grèce où les fêtes semblaient réserver aux hommes, sans femme ni enfant. Les femmes étrusques semblent  bénéficier d'un statut plus privilégié  que les femmes de Grèce ou du Proche-Orient.

Le sarcophage des époux, variante exposée  au Musée du Louvre à Paris 

Danseurs de la Tombe du Triclinium,  Nécropole de Monterozzi

Tombe des lionnes, nécropole de Monterozzi (Tarquinia)
(photo de Jean-Pierre Dalbéra / Flickr - CC BY 2.0)

Mort à jamais ? Qui peut le dire ?

Marcel Proust


Urne étrusque
(Campana collection, CC BY-SA 4.0 )

Détail sarcophage des Amazones, nécropole de Monterozzi (Tarquinia)  - I. Sailko, CC BY-SA 3.0

Tombes de Banditaccia (Cerveteri) (Sailko, CC BY 3.0)

Étrusques et Étrurie

Carte de l'Étrurie
(établie par Arthur Laisis, CC BY-SA 3.0)

Les Étrusques entrent dans l’Histoire vers la fin de l’âge de bronze, à partir du IXe siècle avant J.-C. Ils occupent une vaste partie de la péninsule italienne mais l’Etrurie ne forme pas un état en tant que tel, elle regroupe des cités-états indépendantes liées entre elles par la religion et la langue.
Cultivateurs mais aussi navigateurs, les Étrusques commercent avec les Grecs, les Carthaginois, les Phéniciens et le Proche-Orient en général. Ils importent des matières premières, des esclaves et des produits manufacturés comme les poteries. En retour, ils exportent de l'huile, du vin, des céréales, et d'autres produits agricoles, des métaux comme le fer,  des outils et des poteries de leur propre artisanat.
Les relations entre les Étrusques et la Grèce sont particulièrement intenses. Les premiers Étrusques adoptent et adaptent l'alphabet grec pour écrire leur propre langue. L'alphabet étrusque, repris et modifié à son tour par les Romains, conduira aux lettres que nous utilisons encore aujourd’hui en Occident. Par ailleurs l’appellation Tyrrhenoi, que les Grecs donnent aux Étrusques, donnera son nom à la mer Tyrrhénienne.

A son apogée le territoire étrusque s’étend des plaines du Pô au nord jusqu’au Latium et à une partiede l’Ombrie et de la Campanie au sud. Le peuple étrusque que les Romains appellent Etrusci ou Tusci donnera son nom à la Toscane.
Ce sont les Étrusques qui fondent Bologne et Rome. et vers 600 avant J.-C., la dynastie étrusque des Tarquins règne sur les bords du Tibre.

Les Étrusques occuperont même la Corse ainsi que quelques ports de la Gaule méridionale et de la péninsule ibérique.

A partir du Ve siècle l’Étrurie commence à se désagréger. Après la chute de Tarquin le Superbe, le 3ème roi étrusque de Rome, la République est proclamée par des nobles étrusques et elle se coupe de la Campanie.
Les Celtes envahissent la plaine du Pô. Les Syracusains s'emparent de la Corse et de l'île d'Elbe.
Des guerres intestines éclatent dans le Latium, impliquant étrusques et latins.

Après de nombreuses batailles à l’issue incertaine, Rome finit par s’imposer. La cité-État va conquérir peu à peu tout le territoire étrusque jusqu’à sa victoire finale au milieu du IIIe siècle avant J.-C.
Le peuple étrusque va alors se diluer progressivement dans le monde romain.  En 89 avant JC, tous les Étrusques obtinrent la citoyenneté romaine. La culture étrusque, intégrée à la culture romaine, est ainsi pour partie fondatrice de notre propre civilisation.

Détail du  sarcophage des époux  Villa Giulia, Rome
Luciano valle, CC BY-SA 4.0


Sarcophage étrusque montrant un couple fusionnel
Museum of Fine Arts, Boston

Libération du chef étrusque Caelius Vibenna
(nécropole de Ponte Rotto, Italie. Photo : Yann Forget)



Histoire thématique


Femme étrusque
The Metropolitan Museum of Art, New York,

(AlkaliSoaps, CC BY 2.0 )

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