Selon l’Oxford English Dictionary environ 30 000 mots de la langue anglaise sont issus du français, soit près de la moitié du vocabulaire courant de nos amis anglophones.


À l’origine, l’anglais est une langue aux racines celtes et germaniques. Au début de notre ère, avec l’intégration de l’Angleterre dans l’empire romain, la langue s’enrichit de nombreux mots d’origine latine. Quelques siècles plus tard, en 1066, l’invasion de l’Angleterre par les normands, change la donne. Guillaume le Conquérant, devenu roi d’Angleterre, après sa victoire à Hasting, remplace la noblesse anglaise qui ne se soumet pas des nobles normands et francs. Ceux-ci vont faire souche outre-manche et contrôler le pays. Le français devient la langue du droit et de la justice, celle des clercs et du clergé puis celle de la bourgeoisie, des échanges et du commerce.  

En 1154 Henri Plantagenêt prend la relève des rois normands. Devenu Henri II, marié avec Aliénor d'Aquitaine, il est non seulement roi d’Angleterre mais il possède la moitié ouest de la France (Normandie, Bretagne, Anjou, Poitou, Touraine, Limousin,  Périgord, Auvergne, Aquitaine et Gascogne).  Son fils, Richard Cœur de Lion, né en France comme Henri II, ne parle pas un mot d’anglais. Il s’exprime essentiellement en langue d’Oc comme sa mère Aliénor d’Aquitaine ou en langue d’Oïl comme son père né au Mans. D’ailleurs il n’a passé que six mois en Angleterre !

Les rois d’Angleterre garderont longtemps des prétentions sur le royaume de France et se marieront avec des française de la haute noblesse. Les reines anglaises éduqueront leurs enfants en français et une grande partie de la noblesse en fera de même.

Avec le latin, le français restera donc longtemps la langue officielle utilisée pour les documents juridiques ou comptables. Le français fut ainsi la langue du Parlement anglais jusqu'en 1363. Encore aujourd’hui la formule « Le roy le veult » est utilisée pour la promulgation des lois.

Henri IV qui devient roi en 1399 sera le premier roi d’Angleterre dont le français ne sera pas la langue maternelle.

Il faudra attendre 1730 pour que l’anglais ne s’impose dans les tribunaux quand le parlement anglais adopte The proceedings in courts of justice act. Toutefois, encore aujourd’hui la formule "Le roy le veult"  est utilisée pour la promulgation des lois britanniques et que subsitent les devises "Dieu et mon droit " et " Honi soit qui mal y pense".

 

Mots anglais issus du français (ou du franco-normand)

Avec l'arrivée de Guillaume le conquérant et de ses troupes, des centaines de mots normands ou franco-normands deviennent anglais avec la prononciation des autochtones.

  • afrayé (effrayé) devient afraid
  • atorné (atourné: «nommé») devient atorney
  • boulette devient bullet
  • candeile (chandelle) devient candle
  • couronne devient crown.
  • egle (aigle) devient eagle
  • engigneor (ingénieur) devient engineer
  • escole (l'école) devient school.
  • feire (foire) devient fair
  • gardin (jardin) devient garden
  • geneivre (genièvre) devient gin
  • juel/joel (joyau) devient jewel
  • labour (de labourer) devient labour
  • jaquet (jaquette) devient jacket.
  • maire devient mayor
  • mousseron(le champignon) devient mushroom.
  • nourice devient nurse
  • oile (huile) devient oil
  • oistre/uistre (huître) devient oyster
  • poudre devient poudre
  • quarte (quart) devient quarter
  • roque (roc) devient rock
  • soudier (soldat) devient soldier.
  • Taillour (tailleur) devient tailor.
  • wafre / waufre ( gaufre) devient wafer
  • werre (guerre) devient war
  • etc.

De nombreux autres mots de l'ancien français ont évolué différemment et pris un autre sens de l'autre coté de la Manche. Ainsi  le mot anglais "very" vient de "verai" moyenâgeux devenu "vrai" en français moderne et "very" en anglais.  Le mot latin foris qui désigne tout ce qui est extérieur (à la ville)  est devenu forain en français lequel en arrivant en Angleterre est devenu une personne de l'étranger : foreign.

Tapisserie de Bayeux - Scène 57 : la mort du roi Harold à la bataille d'Hastings.

La vague française du Moyen-Âge

Au cours du Moyen Âge, la noblesse et le clergé anglais, qui connaissaient généralement le français et l'anglais, y introduisirent des mots français relatifs au gouvernement, à l'Église, à l'armée, à la vie à la cour ainsi qu'aux arts, à l'éducation et à la médecine. Un siècle après l'arrivée de Guillaume le Conquérant, plus de 10.000 mots du vieux français sont transmis à l’anglais.

  • ante (tante) devient aunt
  • bargaignier (barguigner au sens marchander) devient bargain
  • bastard (bâtard) devient bastard
  • blanchet » (morceau de drap blanc utilisé pour les soins)  devient  blanket, couverture pour les anglais
  • chaine (chaîne) devient chain
  • chapelle devient chapel
  • chois (choix) devient choice
  • coissin (coussin) devient cushion
  • conceler (cacher) devient to conceal
  • coste (coût) devient cost
  • courtine (du latin cortina signifant rideau de lit ou tenture) devient curtain
  • cruste (croûte) devient crust
  • custume (coutume) devient custom
  • det (dette) devient debt
  • dresser (mettre droit) devient to dress
  • escorner (insulter) devient scorn
  • escuier (écuyer) devient squire
  • grief (au sens chagrin) reste grief
  • marchand devient merchant
  • meschief (malice au  XIIIème siècle) devient  mischief
  • paste (pâtisserie) devient pastry
  • patron (au sens de modèle) devient pattern
  • porc devient pork
  • monnaie devient money
  • mouton devient mutton mais uniquement dans les assiettes sinon il reste sheep
  • rental (loyer/redevance) reste rental
  • toaille (à l'époque une serviette) devient towel
  • toster (rôtir) devient to toast
  • etc.

D'autres connaissent une évolution plus complexe, ainsi  le verbe français prochacier  a-t-il été abandonné pour le simple verbe acheter tandis que les anglais l'ont transformé en purchaseNotre terme familier de caboche désignant tête est arrivé au Canada avec Jacques Cartier au XVIème siècle, les anglais du coin voyant une ressemblance entre un chou et une tête humaine ont choisit d’appeler leur chou  cabbage. Enfin si les artistes anglophones peignent sur un canvas (toile) c'est parce que leurs confrère picards du Moyen Âge peignaient sur un  canevach, La cotte (tunique) du Moyen Âge quand elle est petite (petite cotte) devient petticoat (jupon) outre-Manche.

 

Mots ou expressions français devenus anglais tels quels

De nombreux mots français ou expressions sont passés en anglais sans aucune modification, en particulier dans le domaine de la cuisine, du savoir-vivre, de l'art, du charme ou de l'amour. Voici quelques exemples :

Apostrophe, à la carte, attaché, apéritif, avant-garde, baguette, ballet (le spectacle de danse), billet doux, bureau, brunette (désignant une jeune fille brune), cabaret, chef-d’œuvre, chic, chignon, cliché, chauffeur, coup de foudre, coup d’État, couturier, cul-de-sac, débris, décolleté, déjà vu, élite, entrecôte,  façade, femme fatale, fiancée, gâteau, libertine, ménage à trois, menu, machine, maisonnette, mousse, omelette, potpourri, ratatouille, rendez-vous, risqué, ridicule, sauté, serviette, silhouette, soufflé, souvenir, sabotage, technique, réservoir, répertoire, vinaigrette...

Parfois, le mot français perd les accents ou son "e" final" en devenant anglais : soup, salad, etc. Enfin certains mots sont passés en français tels quels mais, attention, ils ont changé de sens au passage. Ainsi blouse en anglais veut dire chemisier en français.


Depuis bientôt mille ans, la langue française a eu des contacts si fréquents, si intimes et parfois si passionnels avec la langue anglaise qu’on est tenté d’y voir comme une longue histoire romanesque où se mêlent attirance et interdits

Henriette Walter

A priori l’anglais et le français devraient être des langues très différentes puisque l’anglais est au départ une langue germanique (comme l'allemand et le néerlandais), alors que le français est une langue romane (comme l'espagnol et l'italien).  Pourtant l’Histoire a fait que ces deux langues se soient fortement métissées. En raison de l'influence exercée par le français, le vocabulaire anglais est devenu une langue fortement romanisée. De son côté, le français au début de son histoire fut très germanisé par le francique ce qui explique en partie beaucoup de ressemblances étonnantes au plan lexical entre les langues française et anglaise.

Par ailleurs l’anglais et le français ont également puisé dans le latin et le grec pour acquérir les mots dont il avait besoin. Dans les deux langues une très large part du vocabulaire scientifique et technique est d'origine gréco-latine.

La proximité géographique, les guerres ou les alliances ont constamment maintenus les contacts entre les deux peuples. De ce fait les relations entre le français et l'anglais constituent un phénomène linguistique rare dans l'Histoire, car une langue vivante (l'anglais) imprégnée à ce point par une autre langue vivante (le français) n’est pas un phénomène courant.

Source : Histoire du français par Jacques Leclerc (Université Laval, Québec, Canada)

 

Honi soit qui mal y pense” (“Honte à celui qui y pense mal”)
est toujours  la devise de l’Ordre de la Jarretière.

 

L'anglais, ce n'est jamais que du français mal prononcé.

Georges Clémenceau


Henri II et Aliénor. Extrait d'une miniature d'un manuscrit des Grandes Chroniques de France, vers 1332-1350, British Library.


Du bacon bien français

Le célèbre bacon du petit-déjeuner anglais vient en fait  de l’ancien français bacon qui désignait exactement la même chose : un morceau de viande porc avec une flèche de lard salé,  un mot qui a son équivalent  en ancien allemand : bacho (jambon)

 

Bacon (Flickr, CC BY-NC-ND 2.0


Couvre chief devient Handkerchief

Au XIIIe siècle, les anglais découvrent le couvre chief  qui est à l’époque une pièce de tissu que l’on met sur la tête mais sert parfois à se protéger du froid ou à  s’essuyer le nez … Le couvre chief   devient ainsi Handkerchief, un mouchoir pour les anglais

La visitation par  Domenico Ghirlandaio,


Fiers chevaliers

Le vieux terme français prud devient preux  pour les chevaliers du  Moyen-Âge faisant preuve de bravoure. Pour les anglais qui reprennent le mot au XIIe siècle, prud devient  proud et prend le sens de fier.

 

Sir James Douglas
Kim Traynor (CC BY-SA)


Il est permis de ne rien faire u

En vieux français, loisir est un verbe qui signifier être permis. Le mot devient un nom pour désigner le temps où on ne travaille pas et où on est autorisé à faire ce qu'il nous plait. Loisir (devenu substantif) donnera leisure en anglais.

 

Le bal des Ardents
Philippe de Mazerolles,


Un étranger de chez nous

Au Moyen-Âge, forain signifie celui qui va à l'extérieur ou qui en vient. Cela donne foreign dans la langue de Shakespeare. Le forain allait de village en village : c’était un estranger lequel devient  stranger en anglais...

Cérémonie d’entrée des estrangers dans la citoyenneté (fin XIIIe s., Bibliothèque d’Agen)


Voyage, voyage

Au Moyen-Âge, on comptait la durée des voyages en journées, à cheval ou à pied. C'est ainsi que le mot "journey" a pris le sens de voyage en anglais.



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Commentaires

Fk lehodey
il y a 9 mois

N'est-il pas sérieusement anachronique de parler constamment de "français" dans cette époque où baignent l'ensemble des langues dites romanes et où les puissants confondus des deux bords de la Manche, rois et reine sur plusieurs générations, écoutent, écrivent et lisent les pères fondateurs de ce qui deviendra bien plus tard le français, l'anglais, tels que nous les pratiquons?! Les écrits qui prédominent( hormis le latin), semblent bien être le normand comme celui de Maître Wace natif de Jersey, en octosyllabes ou alexandrins qui établissent la réalité du pouvoir des normands dans leurs livres d'Histoire... Quant à la conquête ou plutôt l'héritage des Normands, l'Ile d'Angleterre a du apprivoiser la langue des conquérants (voire mercenaires) de Flandre, de Bretagne, Francs sous l'autorité du nouveau roi William (Guillaume) et de ses Normands. L'apport de la langue normande (aujourd'hui en péril par manque de considération est prépondérante et incontestable dans la construction de ce nouveau "loceis" (langage) ("du Brut"). Il est encore temps de remettre en question les clichés qui courent, notamment sur la grande fable de l'Oïl et de l'Oc,( différentiation ou classification tardive établie par un certain Dante au XIII et XIV é et jamais contestée, de cette Europe ou les souverains pourtant de façon permanente sont en voyage d'un chateau à l'autre et où le normand part s'acclimater via les Hauteville ou Tancrède plus au Sud d'une Italie encore à naître, vers le royaumes des deux Siciles... matinée de Sarrazin cette fois...

Alain SCHAMP
il y a 9 mois

Et l'abbé Boudet dans tout ca?